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Leadership éclairé

2001


"Discourse devant la Conférence sur la politique de la concurrence du Canada"

Cet article a été publié le 19 juin 2001.
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Merci Joe.

Selon votre programme, je suis censé vous entretenir maintenant du défi que représente la déréglementation dans le cadre de la politique sur la concurrence. Je n'en tiendrai plus particulièrement au secteur des services financiers étant donné que c'est celui que je connais le mieux. L'ironie, c'est que les services financiers constituent l'un des secteurs les plus réglementés du pays. Si je m'en tenais strictement au sujet de la déréglementation, nous aurions fini de luncher dans quelques minutes. J'espère donc que vous ne serez pas trop déçus si je vous dis que j'ai plutôt l'intention d'examiner la dynamique entre la concurrence nationale et la compétitivité internationale sous l'angle privilégié du Groupe Financier Banque TD.

J'en décevrai probablement quelques-uns de toute façon. Étant donné que le projet de loi C-8 visant les services financiers vient tout juste d'obtenir la sanction royale, certains d'entre vous s'attendent peut-être à ce que je dévoile les intentions futures de La Banque TD. Détendez-vous et prenez un autre café. Je suis ici simplement pour prendre part à la discussion.

N'allez pas croire que mon intérêt pour les services financiers m'amène à me prononcer en faveur des fusions ou à croire qu'elles se réaliseront bientôt. Il y a loin de la coupe aux lèvres. Je suis certain que le fait de m'exprimer aussi catégoriquement n'empêchera personne de faire ses propres prédictions. J'aimerais seulement vous faire part de mon point de vue. Contrairement à tous ceux qui annoncent la réalisation de fusions dans un proche avenir, je pense, moi, que nous en sommes à peine aux premières étapes d'établissement d'un consensus sur la question. Ce n'est pas encore chose faite.

J'aborderai en premier lieu la question de la concurrence au sein du marché national des services bancaires. Je traiterai ensuite de la compétitivité internationale, et finalement, de la dynamique entre les deux. Selon moi, c'est justement la dynamique entre la concurrence nationale et la compétitivité internationale qui fait que les politiciens, organismes de réglementation, autorités en matière de concurrence, chefs d'entreprise et consommateurs ont tellement de difficulté à s'entendre sur le plan d'action approprié. Je n'ai certainement pas la prétention d'avoir toutes les réponses, mais j'espère que le point de vue d'un dirigeant d'entreprise au sein d'un secteur actuellement aux prises avec cette dynamique sera utile dans le contexte de votre discussion.

Déréglementation

Comme je l'ai déjà mentionné, le secteur des services financiers est l'un des plus réglementés de l'économie canadienne. Essentiellement, la réglementation est axée sur la sécurité et la solidité financière ainsi que sur la protection des dépôts des consommateurs. Nous sommes surveillés par le BSIF, la SADC, et bientôt, nous le serons par l'Agence de la consommation en matière financière du Canada. Chaque province a sa propre commission des valeurs mobilières. Nous ne manquons donc de rien en fait de réglementation. Et maintenant, le projet de loi C-8 prévoit le processus d'examen de l'intérêt public dans le cas d'une fusion envisagée. Les règlements sont de plus en plus généraux, complexes et exhaustifs.

Cela dit, notre secteur a été touché par une certaine déréglementation. Les quatre piliers traditionnels des services financiers ont été décloisonnés dans les années 1980. Cela a permis aux banques, aux fiducies, aux sociétés de prêt et d'assurances, aux caisses populaires et aux sociétés de fonds communs de placement de se livrer une concurrence relativement libre dans le secteur d'activité des uns et des autres.

Deux aspects importants échappent à la déréglementation, soit le droit pour les banques de vendre de l'assurance par l'entremise de leurs succursales et le droit d'exercer des activités de crédit-bail automobile. Les grandes banques canadiennes sont d'avis que les consommateurs jouiraient d'un meilleur service et de prix plus bas si le secteur bancaire avait le droit de pénétrer ces marchés. Mais je ne m'aventurerai pas dans ce débat aujourd'hui.

Marché national

Aux fins de la discussion d'aujourd'hui, je m'en tiendrai aux banques universelles, c'est-à-dire les banques à services complets, qui, au Canada, constituent les Six Grandes banques : Banque TD, Banque Royale, CIBC, Banque de Montréal, Banque de Nouvelle-Écosse et Banque Nationale. Je ne parle pas au nom des autres grandes banques, mais nous partageons toutes les mêmes préoccupations.

Les banques universelles se divisent en trois secteurs d'activité distincts. Le premier est celui des services bancaires de détail. Le deuxième, celui du prêt aux petites entreprises et du prêt commercial. Le troisième, celui des services aux grandes entreprises et des services de placement.

Services bancaires de détail

Les services de détail comportent deux volets. Le premier est celui des services bancaires de base. Il comprend les dépôts sans terme et les comptes d'épargne et de chèques. Ces opérations sont effectuées principalement par l'entremise des succursales, et de plus en plus par voie électronique. Le deuxième volet des services de détail est constitué des autres produits et services financiers comme les fonds communs de placement, les cartes de crédit et les hypothèques. Dans ce cas-ci, les systèmes de distribution hors des succursales bancaires réduisent considérablement les problèmes de concurrence.

En ce qui concerne les services bancaires de base, les joueurs de première ligne sur le marché possèdent un net avantage. Les Six Grandes banques sont les plus gros joueurs. Nous avons observé une croissance du côté d'autres prestataires de services non-traditionnels, comme les Services financiers Le Choix du Président de Loblaws, et de la concurrence électronique exercée par des institutions étrangères comme ING, quoique ces entités n'aient pas encore atteint leur pleine maturité.

Il existe également d'importantes différences régionales. Au Québec et dans l'Ouest, les caisses populaires donnent une mesure fondamentale de la concurrence. La nouvelle législation permettant aux fonds communs de placement, aux courtiers et aux assureurs-vie d'avoir accès au système de paiements, un plus grand nombre d'entités sont désormais en mesure d'accepter des dépôts, ce qui risque de resserrer la concurrence.

En outre, la création de banques à rayonnement local et de banques à capital fermé est maintenant autorisée. Leur établissement requiert moins de capital. Ces mesures font que le nombre de prestataires de services bancaires de base s'accroît, ce qui devrait donner lieu à de meilleures offres pour les consommateurs canadiens.

Tout cela fera bientôt changer la perception de la concurrence au sein du secteur bancaire et entraînera peut-être même une redéfinition. Mais pour l'instant, le Bureau de la concurrence y voit un risque de concentration excessive. Il a émis des lignes directrices relatives à sa méthode d'examen des fusions. Considérées dans leur totalité, ces lignes directrices peuvent laisser supposer qu'il devrait y avoir au moins trois banques nationales, peut-être quatre. Autrement dit, même s'il y a des fusions, les Canadiens disposeront d'au moins trois ou quatre joueurs de première ligne, en plus des nombreux joueurs de seconde ligne qui existent déjà.

Pour certains, cela peut paraître contre-intuitif, mais en réalité, la position des banques canadiennes dans le domaine des services bancaires de base n'a pas nui à la valeur pour les consommateurs. Avec quelques joueurs de première ligne, la concurrence est serrée.

Toutes les études que j'ai lues révèlent que les clients des banques canadiennes paient non seulement des frais moyens moins élevés que leurs voisins des États-Unis, mais, surtout, profitent de marges d'intérêt moins grandes pour les prêts. Les compétences que nous avons développées nous seront utiles, de même qu'aux consommateurs, pour soutenir la concurrence à l'étranger.

En ce qui concerne les services bancaires secondaires, la concurrence s'exerce davantage entre les produits qu'entre les institutions. De nos jours, nous sommes en concurrence avec des spécialistes de nouveaux produits dont bon nombre sont de propriété étrangère. Dans le domaine des cartes de crédit, nos concurrents sont MBNA, Capital One et CitiCorp. Ces derniers ont un énorme avantage concurrentiel sur nous parce que leur succès repose sur une infrastructure qu'il est difficile de créer dans le contexte canadien.

Même chose pour les fonds communs de placement. L'actif en fonds communs de placement des Six Grandes banques représente moins de 30 % de ce secteur. Les fonds communs de placement sont vendus en très grande partie par des planificateurs financiers. Les banques sont des joueurs mineurs dans ce créneau. C'est un point important, car alors que les lignes directrices qui encadrent la concurrence sont plus axées sur les services bancaires de base, les fonds communs de placement attirent une part de plus en plus grande des dépôts personnels.
Dans le domaine du courtage, nos concurrents sont des institutions du calibre de Merrill Lynch et Schwab. Le secteur hypothécaire semble pencher vers les courtiers en hypothèques qui se font une guerre de prix. Sur le plan des choix concurrentiels, on peut dire que le public qui consomme ces produits est très bien servi de nos jours. Prêt aux petites entreprises et prêt commercial Le deuxième secteur des services financiers canadiens ciblé par le Bureau de la concurrence est celui des services bancaires aux petites et moyennes entreprises, plus particulièrement les prêts. L'enjeu principal est le choix.

Nous nous devons de servir ce secteur, et c'est ce que nous ferons. C'est important pour nous et pour le pays. Les banques ont été attentives aux préoccupations tout à fait légitimes que la dernière baisse du marché a suscitées, et les efforts ont été intensifiés à cet égard. TD ne ferme sûrement pas les yeux sur cette question. Depuis l'acquisition de Canada Trust, notre quote-part du secteur des prêts aux petites entreprises s'est accrue et ce, en l'espace de douze mois seulement. Une telle croissance n'est certes pas habituelle dans une situation de fusion, ce qui démontre notre intention de développer énergiquement notre secteur des prêts aux petites entreprises. Divers spécialistes des prêts aux petites et moyennes entreprises, tels que Wells Fargo et Merrill Lynch, pénètrent maintenant notre marché, tout comme certaines sociétés de crédit-bail.

Prêts aux grandes entreprises et services de placement

Pour ce qui est du troisième secteur des services bancaires - prêts aux grandes entreprises et services de placement - la taille et la portée revêtent une importance grandissante. Les réseaux d'entreprises se tissent à l'échelle mondiale et les besoins de capitaux croissent à vue d'œil. Au Canada, les grandes sociétés doivent avoir accès à des prêteurs de portée mondiale.
Pour ce genre d'opération, la taille de l'entreprise importe, les frontières, elles, n'importent pas. Une société ne peut réaliser de financements si elle n'a pas les reins assez solides pour appuyer des projets de souscription, de syndication ou d'émissions d'actions nouvelles. Prenons par exemple la récente acquisition de Gulf Canada par Conoco. Aucune société financière canadienne n'a pris part à l'opération. Tout l'argent dépensé en services de conseil et de financement partira vers les États-Unis. Même chose pour l'acquisition récente de Domtar. Toutes les sociétés-conseils ayant participé à cette opération sont étrangères.

Les banques canadiennes ne peuvent plus, à l'échelle mondiale, se contenter d'être des en tout genre. Nous avons dû trouver un autre moyen pour soutenir la concurrence. Toutes les banques canadiennes adoptent maintenant des stratégies plus ciblées. Nous devons déterminer les endroits dans le monde où il n'est pas absolument nécessaire d'être les plus gros et où nous pouvons établir des compétences spécialisées qui nous permettront de soutenir la concurrence. Y a-t-il moyen de mieux tirer parti de nos connaissances locales? Quelle taille devons-nous atteindre pour réaliser nos ambitions, aussi modestes soient-elles?

TD se spécialise dans les médias et les télécommunications. Nous sommes l'une des plus grandes banques du monde en matière de prêt, de financements sur les marchés des capitaux et de conseils financiers au sein de ces secteurs. Nous occupons une position de leader sur les marchés des dérivés aux États-Unis et en Europe. En outre, l'acquisition de Newcrest que nous avons conclue en 2000 a permis de renforcer notre position dans les domaines des titres institutionnels et des services de placement.

Les banques canadiennes doivent toutes posséder des stratégies locales pour aider les petites et moyennes entreprises à prendre de l'expansion et à devenir concurrentielles à l'échelle internationale. Nous convenons qu'une fois qu'elles atteignent une certaine taille ces entreprises puissent aussi faire appel aux services des géants mondiaux. Nous pouvons cependant espérer que les liens que nous avons créés avec elles et que la compréhension que nous avons acquise de leurs activités nous donnent un avantage sur nos mégaconcurrents, et que notre association survive au fil de leur croissance.

Incidence de la mondialisation

Nous traversons une période d'intense consolidation mondiale dans le secteur des services financiers. Les fusions et les acquisitions se produisent à un rythme effréné, non seulement aux États-Unis où le marché est plus fragmenté, mais aussi en Europe depuis l'entrée en scène de l'euro.

La terre a continué de tourner depuis qu'il a été question de fusions en 1998. Il y a trois ans à peine, les plus grandes banques nord-américaines se démarquaient dans les services bancaires en gros et les services de placement, par exemple Bank of America et Chase Manhattan. En outre, des banques monolignes comme Schwab du côté du courtage à escompte, MBNA du côté des cartes de crédit, et Fidelity du côté des fonds communs de placement, dominaient dans le secteur des services de détail.

Au cours des trois dernières années, nous avons assisté à l'ascension des banques de détail géantes - Wells Fargo, Bank One et Fleet Boston. Maintenant, la taille est aussi un problème dans le secteur de détail. Même si TD fusionnait aujourd'hui avec n'importe laquelle des Six Grandes banques canadiennes, elle ne se classerait même pas parmi les dix plus grandes banques du monde. N'oubliez pas que ces géants ont atteint leur taille non pas en comptant sur la croissance interne, mais en procédant à des fusions et à des acquisitions.

Qu'est-ce qui a empêché les institutions financières canadiennes de croître au même rythme que leurs concurrents internationaux? Lors du dernier débat, plusieurs ont soutenu que les banques canadiennes manquaient de volonté de faire affaire à l'étranger. En fait, nous avons reconnu le besoin d'être des champions canadiens à l'étranger. Nous avons tous fait des efforts considérables pour prendre de l'expansion en procédant à des acquisitions. TD possède TD Waterhouse aux États-Unis, en Australie et au Royaume-Uni, la Banque Royale a procédé à plusieurs acquisitions aux États-Unis, la Banque de Nouvelle-Écosse se développe en Amérique latine, la Banque de Montréal détient Harris Bank, à Chicago, et CIBC possède Oppenheimer et a créé Amicus.

Du côté des services de détail, la taille permet de prendre de plus gros risques d'exploitation, de faire une commercialisation plus dynamique et d'investir davantage dans la technologie. Cela permet de protéger la capacité de livrer concurrence au pays et à l'étranger. Du côté des services en gros, une assise financière importante est essentielle, même pour des joueurs ciblés sur les marchés comme TD.

Concurrence nationale et compétitivité internationale

Ce qui m'amène à vous parler de mon sujet principal : la dynamique entre la concurrence nationale et la compétitivité internationale.

Si tout était simple, ces deux formes de concurrence se compléteraient. Malheureusement, elles sont parfois diamétralement opposées. C'est dans ce cas que se pose un véritable défi pour la politique sur la concurrence.

Leur degré d'opposition dépend de la nature du produit et de l'ouverture naturelle de la concurrence. Personne ne voit d'opposition entre la concurrence nationale et la compétitivité internationale dans le secteur des logiciels. Il s'agit d'un secteur mobile qui franchit facilement les frontières. Mais elles s'opposent dans des secteurs comme le transport ferroviaire et le transport aérien. Selon certains, ces secteurs présentent des caractéristiques de monopole naturelles, dirait-on en jargon économique, parce qu'ils ont des coûts d'infrastructure énormes, et ce, même au sein de fortes économies comme les États-Unis. Personne n'ira construire un autre chemin de fer transcontinental au Canada pour concurrencer le CN. Personne ne bâtira de toutes pièces un nouveau réseau de succursales bancaires national non plus. Les économies d'échelle ne le permettent tout simplement pas.

Les Canadiens s'inquiètent de la façon d'obtenir l'envergure qu'il nous faut pour assurer une compétitivité internationale, tout en soutenant la concurrence nationale. Et ils font bien. C'est là un dilemme pour tous les petits pays. Nous entendons beaucoup les politiciens et les universitaires parler de compétitivité et de notre besoin d'innovation pour alimenter l'économie et créer des emplois et les conserver. Au cœur de l'enjeu réside la question suivante - si nos entreprises sont prospères et se développent : Sont-elles en train de devenir trop grosses dans un petit pays?

En débattant la question relativement aux services bancaires, divers petits pays ont agi différemment. Certains, comme les Pays-Bas, ont opté pour une concurrence totalement ouverte; d'autres, comme l'Australie, et récemment du moins, le Canada, ont choisi de limiter les fusions bancaires.

L'Union européenne aborde la question en essayant d'éliminer les barrières nationales et en créant un marché suffisamment ouvert pour profiter de l'avantage d'une concurrence sur l'ensemble de son territoire.

Nous, Canadiens, sommes fiers de notre indépendance politique et de notre culture spécifique qu'a nourrie notre histoire. Mais ce sens de l'identité ne doit pas nous empêcher de voir que, sur le plan économique, le Canada est étroitement lié aux États-Unis. Plus de 45 % de notre économie dépend des exportations. Et 86 % de nos exportations vont vers les États-Unis. Nous avons plus d'échanges commerciaux avec les Étas-Unis que la Californie n'en a elle-même. La réalité du libre-échange est que nous devons envisager notre compétitivité dans une perspective nord-américaine si nous voulons réussir sur le plan économique.

Il faut répondre à une question fondamentale. Le Canada est-il intéressé à avoir des participants financiers capables d'affronter la concurrence sur un plan mondial ou veut-il des banques canadiennes qui n'exercent leurs activités qu'au pays et qui jouissent de solides positions dans les segments des services bancaires de détail et des prêts commerciaux, avec quelques créneaux du côté des services aux grandes entreprises?

Voulons-nous des champions nationaux en services financiers qui essaiment résolument à l'étranger et, le cas échéant, acceptons-nous qu'il nous faudra peut-être tolérer une plus grande concentration nationale pour arriver à nos fins?

Nous devons déterminer le compromis à faire entre la taille peut-être nécessaire pour devenir un participant mondial et les incidences sur le marché national de l'existence d'un très petit nombre de grandes sociétés. Si nous n'appuyons pas la création de banques aptes à jouer un rôle plus important sur la scène mondiale, est-ce que les responsables des politiques, les leaders du monde des affaires et les consommateurs comprennent parfaitement de quels avantages ils se privent?

Avantages pour le Canada

Alors, quels sont au juste ces avantages?

Je sais que, trop souvent, les banquiers donnent l'impression d'être très égocentriques lorsqu'ils parlent de ces avantages. À les entendre, on dirait que les avantages leur sont exclusivement réservés plutôt que de profiter aussi aux entreprises et consommateurs canadiens. Il est bien clair que nous devons assurer de nouveau à nos clients qu'une société de services financiers aux capacités mondiales, établie au Canada, peut encore livrer une valeur bancaire de qualité supérieure à ses clients dans son pays.

Par-delà ses propres clients, je pense qu'une institution financière canadienne solide pourrait, à long terme, élargir les possibilités d'emploi pour les Canadiens. Ayant leur siège social au Canada, ces entreprises pourraient contenir le flux des emplois de siège social vers les États-Unis dont nous avons tous été témoins dans d'autres secteurs. Une bonne partie des revenus générés seraient rapatriés au Canada. Les Six Grandes banques canadiennes tirent déjà 49 % de leurs revenus à l'extérieur du Canada. Cependant, 90 % de nos employés travaillent au Canada, et nous versons 75 % de nos impôts et taxes au Canada. La venue de concurrents internationaux ayant leur siège social au Canada signifierait également plus de stabilité pour l'économie canadienne par la diversification d'un grand secteur.

Diverses études ont révélé qu'il existait une corrélation entre secteur financier solide et villes solides et que les grandes banques concurrentielles à l'échelle internationale peuvent apporter d'importantes contributions à leur port d'attache de même qu'à leur économie nationale sur le plan des revenus, de l'emploi et des avantages pour les actionnaires. Voilà qui est très important pour Toronto et son avenir. On flaire certes des relents d'intérêt personnel dans la discussion des avantages pour les actionnaires, mais il ne faudrait pas oublier qu'environ un travailleur canadien sur deux est actionnaire de banques canadiennes, directement ou indirectement par l'intermédiaire d'un régime de retraite, de fonds communs de placement ou d'un REER.

Gérer la dynamique

Nous ne partons pas de zéro sur ce sujet. Notre cadre réglementaire actuel - par les nouvelles lois régissant les services financiers et le travail accompli par le Bureau de la concurrence dans son examen, en 1998, des projets de fusions d'alors - cherche nettement à gérer la dynamique entre la concurrence nationale et la compétitivité internationale.

Beaucoup de réflexion et de travail ont abouti à la création d'un cadre pour examiner les projets de fusions des banques, qui comprennent trois critères principaux.

Le premier critère est la nécessité de satisfaire aux exigences du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) en matière de sécurité et de solidité et de protection des consommateurs. Nous comprenons les règles et les appuyons.

Le deuxième critère est le respect des conditions rattachées au processus d'examen des fusions du Bureau de la concurrence. Les lignes directrices décrivant son approche d'examen des fusions établissent clairement quel critère sert à déterminer si les fusions sont anticoncurrentielles ou non. Cette approche est conçue pour protéger les intérêts des consommateurs - objectif tout à fait légitime.

Les décisions prises aujourd'hui se répercuteront sur des décennies. Tout comme nous ne pouvons limiter nos horizons au 49e parallèle, le Bureau de la concurrence devra voir au-delà du délai actuel de deux ans prévu dans son processus d'examen des fusions et s'adapter aussi rapidement que le marché évolue ou que de nouveaux participants apparaissent. Qui peut dire que les besoins des consommateurs ne seront pas satisfaits sous des formes diverses qui échappent encore à l'imagination? Les aspirations de Microsoft, de Sears, de Canadian Tire, de Loblaws et des sociétés d'assurance ainsi que l'incidence de l'acceptation grandissante des services bancaires en direct pourrait changer profondément le mode de fonctionnement du marché dans cinq ou dix ans. Internet a déjà transformé nos affaires.

Mais, pour l'instant, le processus et les règles sont clairs, et nous pouvons les accepter. Nous connaissons les lignes directrices, et notre expérience avec le Bureau de la concurrence nous porte à croire qu'elles seront raisonnablement appliquées.

Le troisième critère

Il reste le troisième critère, qui est le processus d'examen de l'intérêt public (PEIP). Il s'agit là d'un type examen sans précédent. À ma connaissance, aucun autre secteur d'activité n'est assujetti à pareil critère. Je m'inquiète de ce que le processus n'est pas assez bien défini pour le moment. Qu'examine-t-on au juste? Nous devons définir plus rigoureusement les caractéristiques du processus pour que les entreprises sachent quels obstacles elles rencontreront.

Le défi consiste ici à définir clairement ce que le processus d'examen est censé accomplir et à assurer qu'il ne sape pas l'intégrité des deux autres critères maintenant en place. Nous ne pouvons avoir deux processus d'examen pour le même objet.

Le PEIP n'a donc rien à voir avec la concurrence nationale, puisque le Bureau de la concurrence s'en charge déjà. Il n'a rien à voir non plus avec la sécurité et la solidité, puisque le BSIF s'en occupe déjà.

Alors, si une fusion proposée satisfait aux critères du Bureau de la concurrence et du BSIF - c'est-à-dire si elle ne nuit pas gravement à la concurrence - et crée une institution financière solide, quel point reste à soumettre au PEIP?

Si nous retournons à la déclaration originelle du gouvernement au moment où les fusions proposées étaient rejetées en 1998, nous pouvons y trouver une réponse possible. Le gouvernement déclarait qu'il y avait trois enjeux : la sécurité et la solidité; la concurrence; et la concentration de pouvoir économique. Comme nous avons maintenant des règles pour les deux premiers enjeux, et des organismes pour les appliquer et les interpréter, nous devons supposer que le PEIP touche le troisième enjeu : la concentration de pouvoir économique. Si nous voulons des participants canadiens solides, qui essaiment à l'étranger, quel est l'enjeu entourant la concentration de pouvoir économique? À mon avis, cet enjeu relève en partie de l'acceptation par les Canadiens du fait que, par suite de l'ALÉNA, nous faisons partie d'une économie nord-américaine. En effet, nous devons nous voir comme une grande région économique nord-américaine. J'insiste sur le mot économique. Je ne dis pas que nous sommes ou devrions être une région politique des États-Unis. Mais nous devons nous voir de la même façon que se voient nos concurrents.

Si nous faisons partie d'une économie nord-américaine, qui sont nos concurrents? Et comment leurs régions envisagent-elles l'enjeu de la «concentration de pouvoir économique» dans leurs banques? Examinons certaines de leurs banques régionales géantes.

La Bank One a une capitalisation boursière de 42 milliards de dollars US, contre 16 milliards de dollars US pour la Banque TD, et elle a son siège social à Chicago, en Illinois. L'État de l'Illinois a une population correspondant à 40 % de la population canadienne. Les citoyens de Chicago veulent-ils que la Bank One se développe et prospère ou s'inquiètent-ils de son pouvoir?

La Fifth Third Bank est située à Cincinnati, en Ohio, et la National City a son siège social à Cleveland, aussi en Ohio. Ensemble, ces deux banques représentent une capitalisation boursière de 51 milliards de dollars US, soit au-delà de 35 % de plus que celles de la Banque Royale et de TD réunies. Elles ont toutes deux leur siège social dans un État dont la population équivaut à 37 % de celle du Canada. Est-ce que les citoyens de l'Ohio veulent que ces institutions se développent ou s'inquiètent-ils de ce qu'elles soient déjà trop importantes?

La ville de Charlotte, en Caroline du Nord, compte déjà deux grandes banques : la Bank of America et la First Union. Leur capitalisation boursière combinée s'élève à 128 milliards de dollars, soit environ deux fois les capitalisations boursières combinées de TD, de la Banque Royale, de la Banque de Montréal et de la CIBC. La Caroline du Nord a une population moins nombreuse que l'Ontario et correspondant à moins de 30 % de celle du Canada. Est-ce que les gens de la ville de Charlotte craignent que leurs banques soient trop prospères?

Je vais m'en tenir là, mais les exemples sont nombreux : Fleet Boston à Boston, Wells Fargo à San Francisco, US Bancorp à Minneapolis, PNC à Pittsburgh - toutes des banques qui dépassent TD en importance. Toutes ont leur siège social dans des villes qui encouragent leurs banques, qui espèrent qu'elles se développeront et soutiendront la concurrence dans un monde de services financiers regroupés. Toutes sont installées dans des villes qui veulent profiter des avantages issus des emplois qu'elles créent et des impôts et taxes qu'elles versent.

Mais les Canadiens, et les gouvernements que nous élisons, s'inquiètent du pouvoir économique. Pourquoi? Parce que, contrairement aux citoyens de ces États américains, ils ne sont pas encore convaincus que les Canadiens seront dans une situation plus avantageuse si nous bâtissons de gigantesques sociétés de services financiers, aptes à rivaliser avec leurs concurrents dans le monde depuis leur siège social au Canada.

Il nous faut donc nous concentrer sur ce qui embarrasse les Canadiens, puis clarifier la façon dont le troisième critère réglera ces enjeux, et le faire d'une manière qui donne aux banques des critères mieux définis par rapport auxquels elles seront jugées. Si la façon dont les règles doivent être appliquées n'est pas claire, les entreprises ne voudront pas participer.

Permettez-moi de formuler deux questions légitimes et importantes que les responsables des politiques et les consommateurs devraient poser aux banques canadiennes. Ces questions peuvent servir à tracer les limites du PEIP et à fournir une orientation aux banques quant à ce qu'elles doivent faire pour rassurer les Canadiens à propos des banques de taille plus imposante.

La première question est la suivante : Dans toute fusion proposée, les consommateurs canadiens se retrouveront-ils dans une situation à tout le moins meilleure qu'aujourd'hui? En d'autres mots, pouvez-vous prouver que la fusion ne servira pas d'excuse pour enlever des acquis chers aux consommateurs, comme des heures d'ouverture plus longues, un service amical et du crédit accessible? Les Canadiens ont l'un des meilleurs systèmes bancaires du monde - pourront-ils continuer d'en profiter si nos banques grossissent?

La deuxième question est la suivante : Dans toute fusion proposée, est-ce que, à long terme, les Canadiens, en tant que citoyens économiques, s'en porteront à tout le moins mieux qu'aujourd'hui? Les banques canadiennes utilisent-elles leur force nationale pour protéger les emplois au Canada, emplois qui auraient autrement été transplantés dans d'autres pays? Est-ce que les banques se sont défini clairement une stratégie d'affaires pour poursuivre leur croissance à l'étranger et, ce faisant, produire des avantages économiques pour le Canada? Se sont-elles engagées à utiliser leurs assises stratégiques pour se développer à l'étranger d'une manière qui crée des emplois pour les Canadiens? Ce point me semble être au cœur de l'enjeu. Les citoyens de la Caroline du Nord appuient la croissance de leurs banques parce qu'ils la perçoivent comme une évolution qui rejaillit sur eux en tant que citoyens économiques. Ils profitent de cette croissance. Les Canadiens, eux aussi, ont appuyé la montée d'entreprises canadiennes prospères dans d'autres secteurs d'activité parce que nous tirons parti de leur croissance.

Si les banques en viennent à obtenir un appui aux fusions, il nous faudra évidemment convaincre les Canadiens que nous nous soucions tout autant du bien-être de nos propres clients que des intérêts de notre entreprise et de nos actionnaires. Il nous faudra les convaincre que nous avons des projets ambitieux pour employer notre envergure à notre croissance et à la création d'emplois pour les Canadiens. Nous n'avons pas très bien réussi à ce chapitre-là par le passé. Auparavant, les arguments en faveur d'un regroupement étaient perçus comme très égocentriques. Les Canadiens ne voyaient pas ce qu'ils avaient à y gagner en tant que consommateurs ou que citoyens économiques.

Fusion TDCT

Nous avons appris beaucoup depuis 1998. L'acquisition de Canada Trust par TD en est une bonne illustration. Cette acquisition favorise sans aucun doute les intérêts de nos actionnaires et elle s'est révélée être un très bon coup financier pour la Banque TD. Mais quelle en est la valeur pour les consommateurs?

Dès le départ, nous avons déclaré que nous allions bâtir une meilleure banque, et c'est ce que nous tentons de faire. Le projet se tient, tant du point de vue des consommateurs que du point de vue de l'entreprise. Le résultat? Les clients de Canada Trust ont désormais accès à un plus large éventail de produits et à des services de qualité supérieure, comme TD Waterhouse, et à un plus vaste réseau de succursales et de guichets automatiques. Quant aux clients de TD, ils profitent d'heures d'ouverture plus longues dans les succursales et d'un retour à une nette orientation client.

Cela va-t-il sans peine? Non, mais avec probablement moins mal que les gens ne le craignaient, et, au bout du compte, nous aurons une meilleure banque pour les Canadiens.

Je pense donc que, en réponse à la première question, nous sommes en mesure de dire aux Canadiens que nous sommes à l'écoute même pendant notre croissance, et que, bien que la fusion TDCT soit encore récente, il est possible de réaliser une bonne fusion.

TD s'est-elle dotée d'une stratégie ambitieuse pour aller à l'étranger? Jetons un coup d'œil sur TD Waterhouse. Voilà une entreprise canadienne qui s'est développée de manière naturelle et par acquisition. Elle a commencé sous la raison sociale Ligne Verte TD, faisant quelques acquisitions sur le marché local et prenant de l'expansion jusqu'à ce qu'elle possède les compétences et le poids nécessaires pour pouvoir acquérir Waterhouse. N'ayons pas peur des mots. TD a réussi à acquérir Waterhouse à cause de sa solidité au Canada. L'acquisition l'a propulsée au rang de deuxième courtier en importance du monde auprès des investisseurs qui gèrent eux-mêmes leurs placements, fournissant des services à des clients de partout dans le monde et se taillant une réputation enviable dans son secteur aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie, ainsi qu'à domicile, au Canada. TD Waterhouse a su employer sa force pour dépasser ses frontières et créer un champion ayant son port d'attache au Canada.

Je crois que si toutes les entreprises ayant des projets de croissance pouvaient démontrer une véritable préoccupation à l'égard des consommateurs canadiens et définir clairement des stratégies pour soutenir la concurrence dans leur pays et se développer à l'étranger, les Canadiens les appuieraient - ou leur accorderaient à tout le moins le bénéfice du doute.

Enfin, il est clair que la question fondamentale que posent les politiciens, les universitaires et les consommateurs est : comment obtenir l'envergure qu'il nous faut pour assurer une compétitivité internationale, tout en soutenant une concurrence nationale? Voilà une question légitime, et il n'y a pas de réponses toutes prêtes, mais nous devons trouver une façon si nous voulons que le Canada réussisse sur le plan économique.

D'après ce que je vois, les leaders du monde des affaires ont l'obligation de freiner ce que Michael Porter appelle la «lente descente» du Canada dans le classement mondial. Et la seule façon de le faire, c'est de rendre nos institutions les plus concurrentielles possible. Je n'ai aucun doute sur notre capacité d'être de classe mondiale pour autant que nous en ayons la volonté.

Merci.

 

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