Leadership éclairé
2005
"Le cadre du Séminaire sur les minorités visibles du Conference Board du Canada"
Allocution prononcée par Bill Hatanaka, vice-président à la direction, Gestion de patrimoine, Groupe Financier Banque TD, dans le cadre du Séminaire sur les minorités visibles du Conference Board du Canada
19 octobre 2005
Écrit par
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Version non définitive
Merci, Judith. Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis très heureux d'être parmi vous pour discuter d'un sujet d'une grande importance. Si vous me permettriez, j'aimerais commencer en vous parlant un peu de moi et des raisons qui expliquent mon intérêt profond pour la promotion de la diversité.
Comme beaucoup d'entre vous, j'ai une famille très hétérogène. Je suis Canadien d'origine japonaise, française et écossaise. Ma femme est Canadienne d'origine irlandaise. Nous avons deux adolescents, qui constituent probablement une catégorie de diversité en soi. Nous avons également adopté des jumelles d'origine chinoise, qui ont six ans. Lorsque nous avons adopté les filles, nous avons été émus de l'accueil que leur a témoigné la communauté. L'adoption nous a également mis en contact avec de nouvelles communautés : des parents de jumeaux, des parents d'enfants adoptés et des parents d'enfants d'origine chinoise. En fait, c'est ma femme, avec sa tignasse rousse d'Irlando-canadienne, qui est la « minorité visible » de notre famille. En termes d'appartenance religieuse, notre famille compte également une belle diversité : catholicisme, Église Unie, bouddhisme et shintoïsme y cohabitent de façon pacifique.
Je suis né à Bathurst (Nouveau-Brunswick) d'une mère d'origine nippone et d'un père d'origine écossaise et française. Comme mon père est décédé peu avant ma naissance et que ma mère s'est remariée cinq ans plus tard avec mon père adoptif - également Canadien d'origine japonaise -, j'ai grandi dans un foyer totalement canado-japonais. Dans ma vie, j'ai personnellement connu la joie de vivre dans une société généralement prospère, mais j'ai aussi, par les yeux de ma famille, été témoin de racisme, de préjugés, d'intolérance et d'exclusion. J'ai appris comment des Canadiens d'origine japonaise avaient été évacués et internés dans des camps en Colombie-Britannique pendant la Seconde Guerre mondiale. Leurs maisons et leurs biens ont été confisqués, les familles ont été forcées de vivre dans les écuries de Hastings Park avant d'être internées dans des camps de détention, et les bateaux de pêche japonais ont été abandonnés pendant des années. Soixante ans plus tard, la douleur de la communauté japonaise est encore vive.
J'ai donc vécu la diversité et y ai réfléchi toute ma vie et, comme beaucoup d'entre vous, j'ai un intérêt direct et personnel dans l'évolution positive de ce pays vers une société plus tolérante, plus égalitaire et plus englobante.
La diversité fait également partie de mon travail à La Banque TD. En tant qu'entreprise, nous nous sommes engagés à employer des gens d'origines diverses à tous les échelons de l'organisation. Comme Judith l'a mentionné, de nombreuses entreprises ont fait des progrès impressionnants dans ce domaine, mais il reste encore beaucoup à faire. À La Banque TD, nous attirons déjà un nombre considérable de minorités visibles, plus en fait que n'importe quel de nos concurrents. Il faut maintenant aller un peu plus loin et ouvrir la voie aux membres des minorités visibles pour qu'elles accèdent à des postes de direction à la Banque, en fonction de leur mérite.
C'est là une priorité pour notre équipe de direction et l'une des raisons pour lesquelles nous commanditons la recherche du Conference Board dont Judith a parlé, de même que le présent séminaire. Judith et son équipe m'ont demandé d'aborder trois aspects de la stratégie de la direction de La Banque TD pour favoriser l'essor des minorités visibles :
- les raisons qui motivent l'action de la direction;
- le rôle que jouent nos dirigeants à l'interne pour faire valoir la diversité;
- notre participation à la vie communautaire.
Pour des raisons de transparence, je n'ai pas l'intention de faire ici la promotion de La Banque TD, pas plus que je ne prétendrai être l'autorité sur la diversité. J'ai toutefois le privilège de présider le Conseil de la diversité de la direction de La Banque TD, et la diversité est autant une priorité pour moi que l'est la direction de la division Gestion de patrimoine de la Banque. Mais c'est une entreprise de longue haleine et, même si nous progressons, il nous reste beaucoup de chemin à parcourir.
Notre mission est d'être «la meilleure banque », ce qui veut dire que nous nous sommes engagés dans une démarche d'amélioration et d'apprentissage continus. Nous sommes donc heureux de partager avec vous notre expérience et ce que nous avons appris depuis le début de nos efforts.
Pour être efficace, toute initiative importante que nous mettons en œuvre à La Banque TD doit être viable.
Pour être viable, l'initiative doit répondre aux besoins de nos principales parties prenantes, soit :
- nos actionnaires;
- nos employés;
- nos clients;
- les collectivités où nous sommes établis.
Nous nous posons donc les questions suivantes :
- L'initiative favorise-t-elle un climat dans lequel tous les employés sentent qu'ils peuvent réaliser leur potentiel?
- L'initiative est-elle ciblée et mesurable?
- L'initiative est-elle avantageuse du point de vue des affaires?
- L'initiative répond-elle aux besoins de nos différentes parties prenantes?
Notre démarche à l'égard de la diversité prend tous ces facteurs en considération. En gros, l'objectif poursuivi est un changement de paradigme qui établit une nouvelle compréhension entre une organisation bien intentionnée et une nouvelle classe de futurs dirigeants bien intentionnés (notamment des membres des minorités visibles). Le changement souhaité est un rapprochement culturel entre l'entreprise et ces futurs dirigeants, qui mènera en bout de ligne à une organisation plus solide, plus souple et plus viable.
Au niveau organisationnel, il s'agit d'attirer et de garder les gens les plus compétents, de maintenir une méritocratie et d'avoir accès à la pensée la plus créatrice et diversifiée possible. Cela veut dire reconnaître, valoriser et respecter véritablement les différences entre les gens de cultures diverses. C'est faire valoir notre raison d'être en tant qu'entreprise, d'une façon qui touche nos clients, nos employés, nos actionnaires et les collectivités où nous sommes établis, et c'est démontrer notre pertinence dans un monde en rapide évolution. C'est une initiative concrète et continue de gestion du changement.
Je crois qu'il est assez juste de dire que, comme beaucoup d'autres entreprises, nous avons cru, à un certain moment, que l'accession d'un nombre croissant de personnes issues de minorités visibles à des postes de direction se ferait de façon naturelle au fil des ans. Selon la théorie acceptée, il suffisait d'engager des membres des minorités visibles à mesure qu'ils obtenaient leur diplôme, et de les laisser gravir naturellement les échelons de notre organisation. Et peut-être, d'ici 10 ou 15 ans, nous verrions des résultats.
Récemment, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec un groupe de 200 étudiants en administration de la Schulich Business School de l'Université York. L'auditoire était composé de jeunes hommes et de jeunes femmes de différentes cultures et religions, principalement issus des minorités visibles. Et tout à coup, j'ai été frappé de voir que cette génération avait déjà relevé le défi de la diversité sur lequel peinent encore les entreprises. Ces jeunes adultes vivent et travaillent déjà ensemble en harmonie. Ils sont le visage de la future élite du monde des affaires au Canada. Mais ce n'est pas la norme dans bon nombre d'entreprises aujourd'hui.
Il s'agit donc maintenant d'ouvrir la voie à cette prochaine génération de dirigeants et à la génération acuelle afin qu'elles puissent accéder à des postes clés sur la base du mérite et des compétences, et non sur celle de la couleur de la peau ou de l'origine ethnique. Pour y arriver, nous devons établir des règles de jeu équitables et transparentes pour tous les futurs dirigeants. Cela ne veut pas dire que tout le monde doit être pareil, même si, dans les faits, dans le processus d'embauche, on a tendance à engager des gens avec qui on se sent « à l'aise », c'est-à-dire des gens qui souvent « nous ressemblent ». Notre but est donc de trouver de nouvelles voies pour les membres des minorités visibles qui n'ont peut-être pas fréquenté les mêmes écoles que nous, grandi dans les mêmes quartiers que nous ou hérité de leurs parents une place au sein de l'élite.
Pour nous, les règles de jeu équitables se trouvent dans la méritocratie. Les règles du jeu y sont transparentes, le jeu ouvert à tous les participants intéressés et compétents, et les meilleurs résultats récompensés par une promotion à l'échelon suivant. Mais pour y parvenir, il faut faire deux choses. Il faut d'abord concentrer ses efforts sur l'atteinte de cet objectif, puis éliminer les obstacles formels et informels qui surgissent. Ces obstacles ne sont souvent pas tangibles. Ce sont des idées préconçues ou des comportements subconscients qui sont véhiculés et perpétués par la culture dominante. Aussi longtemps qu'une équipe de direction sera composée majoritairement de Blancs qui renforcent malgré eux ce modèle - et je dis « malgré eux » parce que personne ne s'oppose en soi à la diversité dans une entreprise - peu de choses changeront.
Mais il se produit un moment magique lorsqu'un groupe de dirigeants refuse de perpétuer l'ancien modèle et entreprend de changer les choses et d'assumer la responsabilité du changement. Le paradigme commence alors à changer, et la question n'est plus « pourquoi? » mais « comment? ».
Leadership et responsabilité
À La Banque TD, cette responsabilité est assumée aux plus hauts échelons. Notre conseil d'administration et notre chef de la direction se sont engagés dans une démarche axée sur la diversité qui nous distingue de nos concurrents. Cette responsabilité envoie au reste de l'entreprise un message clair : celui que la diversité compte pour nous. Les membres du Conseil de la diversité de la direction sont également les principaux dirigeants de la Banque. Ils se réunissent au moins une fois par mois pour établir le programme de la Banque en matière de diversité et définir les grandes priorités à cet égard, par l'intermédiaire de cinq sous-comités qui touchent à tous les secteurs d'activité. Des objectifs annuels et triennaux sont fixés pour chaque priorité. Le Conseil de la diversité de la direction fait rapport des résultats à notre chef de la direction, lequel s'en sert pour présenter nos progrès au conseil d'administration.
L'une des grandes priorités du Conseil de la diversité est la promotion des minorités visibles à des postes de direction. Conscients que les dirigeants sont déjà très occupés et qu'on ne change pas un paradigme en criant « ciseau », nous avons nommé M. Gérard Étienne au poste de vice-président, Diversité. Vous ferez sa connaissance plus tard dans la journée. M. Étienne est un spécialiste en matière de diversité. Une partie de son travail consiste à faire en sorte que la diversité demeure en tête des priorités de notre équipe de direction. Il nous conseillera dans nos efforts de communication et sur nos initiatives, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'entreprise.
Communication
La création d'une culture qui accueille les minorités visibles et encourage activement leur essor est une initiative de gestion du changement. Quand on lit des ouvrages sur la gestion du changement, on s'aperçoit que l'un des principaux facteurs de réussite d'un changement est la communication efficace. La communication, c'est beaucoup plus qu'écrire des lettres, des notes de service ou des courriels. La structure d'une entreprise, ses politiques, ses pratiques et l'attitude des gens, en particulier celle de l'équipe de la haute direction, sont plus évocateurs que n'importe quel écrit.
Vous pouvez donc vous présenter devant un auditoire et prononcer une allocution sur la diversité, et tout le monde applaudira, car personne n'est contre la vertu. Vous pouvez envoyer une note de service incitant à l'action, et tout le monde vous approuvera. Mais si la structure et les systèmes d'évaluation du rendement de l'entreprise ne vont pas dans le même sens, si les méthodes d'embauche ne mettent pas en pratique ce que vous dites, si les programmes de formation n'enseignent pas aux gens à s'adapter, alors toutes ces belles paroles seront vaines.
Pendant ma carrière, j'ai eu la chance de rencontrer des gens de tous les horizons, des mentors et des professeurs qui ont cru en moi et qui m'ont poussé à aller plus loin. Ils ont pris le temps de m'aider à décrypter le code, à comprendre le protocole et à saisir les particularités culturelles des petites et des grandes entreprises.
Pour un jeune cadre, c'est souvent ce qui fait la différence entre progresser et faire du surplace. Il est très facile pour un futur dirigeant de faire des erreurs de néophyte, d'être oublié, d'envoyer sans le vouloir un message négatif par maladresse, de commettre un impair ou de mal interpréter un événement. En fait, le chemin qui mène aux postes de direction est souvent semé d'embûches pour tous les jeunes cadres, mais il l'est encore beaucoup plus pour les membres des minorités visibles. Les leaders à tous les échelons des entreprises doivent comprendre et accepter qu'il y a différentes façons d'exprimer son intelligence, ses compétences et son leadership.
Pour prendre un exemple que je connais bien, dans la culture asiatique, même chez les Canadiens d'origine asiatique, on apprend aux jeunes gens à écouter et à assimiler d'abord, puis à répondre. C'est considéré comme un signe de politesse et de déférence envers une personne d'autorité. Au Japon, dans une réunion d'affaires, il n'est pas rare de voir un cadre supérieur fermer les yeux pendant une présentation. En Amérique du Nord, ce serait considéré impoli. Le présentateur penserait qu'il ennuie le client. Mais, dans la culture japonaise, c'est un signe de considération et de respect à l'égard de l'idée qui est présentée.
Le contraste avec notre culture nord-américaine est frappant. Ici, on nous apprend l'importance de « nous exprimer ». Ici, il est souvent correct d'interrompre son interlocuteur, et la personne qui parle le plus est généralement celle qui reçoit le plus d'attention et qui est considérée comme la plus intelligente. Au Japon, cette personne serait jugée irrespectueuse.
Nous devons donc en venir à comprendre que les gens de différentes origines ethniques peuvent penser différemment, agir différemment et avoir des attentes différentes.
En fait, c'est l'un des aspects les plus intéressants et les plus stimulants de la promotion de la diversité dans une entreprise : apprendre de nouvelles façons de penser et de résoudre les problèmes. Si nous réussissons à surmonter l'obstacle de la différence, nous aurons accès à une véritable mine de créativité et d'innovation. C'est ce que je veux dire quand je parle d'opérer un rapprochement entre la culture d'une grande entreprise et les membres de minorités visibles qui aspirent à des postes de direction.
Leadership externe
Au niveau externe, l'embauche est bien sûr un élément critique de l'accès des minorités visibles à des postes de direction. Nous travaillons à élargir notre bassin de candidats compétents. Ici, à Toronto, nous collaborons avec le Toronto Region Immigrant Employment Council. Nous commanditons ses activités et nous engageons des néo-Canadiens qualifiés par son intermédiaire. C'est ce qu'on appelle une relation mutuellement avantageuse. Nous obtenons des gens de talent qui ont cette importante expérience canadienne sans laquelle il pourrait être difficile de débuter une carrière dans ce pays. Le fait de participer à des événements organisés par des membres de minorités visibles envoie aussi aux communautés ethniques le message qu'elles ont de l'importance pour nous, et ce sont en outre des occasions d'apprentissage utiles. À titre d'exemple, nous contribuons financièrement à l'événement Dragon Ball Fundraiser du Centre communautaire de Yee Hong, au Festival culturel de l'Asie du Sud, et au Mois de l'histoire des Noirs.
En fait, un nouveau pilier est en train de se former pour notre comité des dons aux organismes de bienfaisance autour des initiatives soutenant la diversité, ce qui devrait favoriser un meilleur alignement de nos ressources internes. Nous appuyons également Passages vers le Canada, un programme national qui invite des immigrants canadiens éminents à raconter leur histoire à des élèves et à des groupes communautaires. Nous participons aussi aux prix New Pioneer Awards, qui rendent hommage à des Canadiens de première génération pour leurs réalisations personnelles, professionnelles et communautaires. Nous sommes également des participants actifs au débat d'intérêt public par l'intermédiaire des recherches et des séminaires comme celui ci du Conference Board et participons à l'étude menée par L'Alliance-Éducation sur les changements démographiques touchant les élèves dans le système d'enseignement public.
Qu'avons-nous appris de notre expérience jusqu'à maintenant? Qu'il faut un véritable changement de mentalité, et que ce changement est aussi important et emballant que n'importe quel autre défi commercial. Cela exige un engagement et un responsabilité de la part de la direction pour mettre les choses en branle et atteindre une masse critique qui permette un changement durable. Cela exige des mots et des gestes concrets tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'entreprise. Et cela exige des gens qui comprennent que le contraire de préjugés, de racisme, d'intolérance et d'exclusion est acceptation, compréhension, tolérance et ouverture. Voilà ce que promouvoir la diversité veut dire. Voilà ce que ces séminaires visent à faire. Ce n'est pas le genre d'aventure qu'on réalise en quelques mois. Il faudra du temps pour créer des entreprises vraiment englobantes. Mais c'est une voie que nous devons tous emprunter, pas seulement pour nos entreprises, mais aussi pour le succès et la prospérité futurs du Canada.
Merci. Je serais heureux de répondre à vos questions.