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Leadership éclairé
2002
"Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, Ottawa"
Cet article a été publié le 25 novembre 2002.
Écrit par
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PRIORITÉ AU DISCOURS PRONONCÉ
- Je vous remercie de m'avoir invité à présenter quelques points sur le processus d'évaluation de l'incidence sur l'intérêt public proposé dans le cadre du processus d'approbation des projets de fusion des grandes banques, à la suite de la demande du ministre Manley le 24 octobre 2002.
- Je comprends que vous me demandez de vous aider à définir les paramètres du processus d'évaluation de l'incidence sur l'intérêt public, et non de vous faire un exposé du pour et du contre des projets de fusion des grandes banques à ce stade-ci. Évidemment, si vous avez des questions quant à mon point de vue sur le sujet, je serais heureux de vous l'offrir.
- De manière générale, le gouvernement du Canada semble déjà en avoir reconnu le bien-fondé. Dans le document daté du 25 juin 1999 et intitulé La réforme du secteur des services financiers canadien : un cadre pour l'avenir, le gouvernement fait observer que « en cette ère de changement économique rapide, de révolution technologique et de mondialisation, les fusions et les acquisitions constituent des stratégies commerciales légitimes assurant la croissance et le succès ».
- Mais, nous avons récemment été témoins d'une certaine ambivalence à ce sujet, et bien que les projets de fusion des grandes banques ont été acceptés en principe, ils ne le sont toujours pas quant au fond. Le point central que je veux vous transmettre aujourd'hui est que le reste de la discussion ne sera qu'académique aussi longtemps que le gouvernement n'aura pas clairement fait connaître une position définitive à ce sujet.
- Toutefois, on vous a demandé de traiter de la question du processus d'évaluation de l'incidence sur l'intérêt public. Permettez-moi donc de vous transmettre mon point de vue sur cet aspect du débat.
- En annonçant le renvoi de cette question au présent comité, le ministre Manley a fait référence à certains commentaires que j'ai formulés à propos d'une plus grande transparence des règles sur l'intérêt public lors d'une conférence au Bureau de la concurrence l'an dernier.
- N'interprétez pas mes commentaires comme un appel en faveur de règles plus nombreuses. Je ne faisais que souligner que la force la plus destructrice pour une entreprise - pour ses clients, employés et actionnaires - est l'ambiguïté quant à la façon dont les affaires devraient être conduites. La transparence ne signifie pas davantage de règles. En fait, moins il y en a, plus la transparence est possible.
- J'irais même jusqu'à dire que lorsque vous examinez logiquement la situation actuelle, il est difficile de justifier le bien-fondé d'un processus d'examen de l'intérêt public. En fait, le secteur préférerait être traité comme tout autre secteur et ne pas avoir à traverser un tel processus.
- Mais puisque la nécessité d'un processus d'examen de l'intérêt public existe, je recommanderais :
- d'en restreindre le champ d'application;
- d'écourter le processus;
- de ne pas prendre une décision selon un système « premier arrivé, premier servi »;
- et d'annoncer que vous êtes véritablement prêt à considérer les fusions maintenant ou de nous laisser savoir quand vous le serez.
Restreindre le champ d'application
- Laissez-moi expliquer mon premier point : restreindre le champ d'application.
- Le secteur bancaire canadien, comme vous le savez, est l'un des secteurs les plus réglementés du pays. Le défi est de déterminer quel est le problème que les tests sur l'intérêt public tentent de résoudre et qui n'est pas traité par les règlements déjà établis.
- Je comprends très bien et je reconnais la nécessité d'équilibrer les intérêts des clients, du secteur et de l'économie nationale. C'est ce que visent, selon moi, les lois et règlements existants. En fait, nombreux sont ceux qui s'accorderaient à dire que les lois et règlements en place répondent nettement à la plupart des préoccupations relevées par le processus d'évaluation de l'incidence sur l'intérêt public.
- Je ne peux concevoir que l'on puisse croire en l'utilité d'implanter deux ou trois ensembles de règles entraînant des chevauchements et des dédoublements, qui seraient gérées par deux ou trois ensembles d'arbitres. Le processus d'examen de l'intérêt public doit éviter de créer une situation de dédoublement.
- Le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a implanté des règles protégeant la sécurité et la solidité, et il peut examiner les éléments particuliers de toute fusion. Le Bureau de la concurrence a des tests visant à déterminer si une fusion est anticoncurrentielle ou pas. L'Agence de consommation en matière financière du Canada a des règles régissant la fermeture de succursales, et elle surveille et fait observer d'autres dispositions en matière de consommation de la Loi sur les banques.
- Plutôt que de créer un ensemble de règles provoquant un dédoublement, nous devons déterminer si le processus d'évaluation de l'incidence sur l'intérêt public doit traiter ces questions et si nous libérons le BSIF, le Bureau de la concurrence et l'Agence de consommation en matière financière du Canada de leurs responsabilités ou s'il faut simplement laisser ces organismes faire leur travail. Dans le premier cas, nous devons clairement convenir que le BSIF, le Bureau de la concurrence et l'Agence de consommation en matière financière du Canada sont exemptés de ces examens.
- Le ministre Manley a suggéré que le processus porte sur des questions d'accès aux services bancaires pour les personnes handicapées, les personnes à faible revenu, les entreprises et les collectivités rurales, mais nous ne comprenons pas clairement l'intention du test et la façon dont, le cas échéant, son intention diffère de celle des autres lignes directrices existantes.
- Nous avons actuellement une législation sur les droits de la personne en ce qui concerne l'accès aux services par les personnes handicapées, et des initiatives sectorielles sont en cours pour rendre les services bancaires plus accessibles à nos clients ayant une déficience visuelle ou auditive.
- Toutes les banques ont signé un protocole d'entente avec le gouvernement démontrant leur volonté de fournir des services aux Canadiens à faible revenu. En outre, le gouvernement peut exercer un pouvoir de réglementation dans ce domaine en vertu de la nouvelle Loi sur les banques, si cela s'avère nécessaire.
- En ce qui concerne la question de la transition qui découle naturellement d'une fusion et qui peut soulever des inquiétudes, par exemple en matière d'emploi, le droit du travail traite déjà des cas d'excédent de personnel, et je crois que les statistiques révèleraient que les banques surpassent presque toujours les exigences de la loi.
- La nouvelle Loi sur les banques a également amené la création de l'Agence de consommation en matière financière du Canada et elle contient des règlements auxquels nous devons nous conformer en ce qui a trait au préavis à donner aux clients en cas de fermeture d'une succursale. Ces règlements traitent spécifiquement de la question de la fermeture d'une succursale dans une collectivité rurale.
- Je crois qu'il est important de reconnaître que, aussi imparfaits que nous soyons, toutes les banques canadiennes tentent de développer un capital de confiance. Encore une fois, je crois que les statistiques montreront qu'en bâtissant nos entreprises, nous sommes conscients qu'avec ou sans règlement particulier, nous devons protéger les intérêts de nos clients et employés.
- Par exemple, alors que, il y a quelques années, certains ont suggéré que les banques ne portaient pas suffisamment attention aux petites et moyennes entreprises, ces dernières étaient, sont et seront un élément important de nos affaires. Nous travaillons activement à l'expansion de nos services dans ce secteur. En fait, TD a investi de grandes sommes dans la création d'un groupe dédié aux services bancaires aux petites entreprises, et nous avons vu notre part de ce marché augmenter de 275 points de base depuis la fusion avec Canada Trust. Bien qu'il soit toujours possible d'apporter des améliorations, il est de notre devoir, et notre intérêt concurrentiel en dépend, de continuer à sonder les besoins des clients et à trouver des moyens de les satisfaire.
- C'est simple : nous œuvrons dans le secteur des services et dans un marché hautement concurrentiel au sein duquel la lutte pour attirer les clients et les meilleurs employés est féroce.
- L'acquisition de Canada Trust par TD est un exemple typique. La fusion de Canada Trust avec la branche de services de détail de TD ne visait pas uniquement à réduire les coûts, mais également à étendre un modèle d'affaires fructueux et à préserver notre marque centrée sur le client.
- C'est dans cette optique, et non par respect des lignes directrices du gouvernement ou d'un organisme de réglementation, que nous avons pris des engagements envers nos clients, nos employés et la collectivité de London - notre plus important centre d'emploi à l'extérieur de Toronto.
- Parmi ces engagements, mentionnons la garantie de 18 mois de rémunération pour tous les employés touchés par la fusion, une période étendue de regroupement de la succursale afin de rendre l'intégration la plus harmonieuse et facile que possible pour nos clients et nos employés, l'engagement à maintenir les niveaux d'emploi à London et la promesse d'envoyer des communications régulières aux clients et aux employés.
- Je ne prétendrai pas que la fusion s'est déroulée à la perfection. Mais disons que si nous n'avions pas d'abord pris ces engagements et établi d'entrée de jeu un ensemble de principes d'exploitation qui ont servi d'épreuve décisive pour toute décision liée à la fusion, le défi à relever aurait été encore plus imposant, et le résultat, bien moins satisfaisant. Le premier de nos principes était de faire passer nos clients en premier.
- L'une des étapes requises dans le cadre des Lignes directrices relatives à l'examen des projets de fusion est celle de la préparation d'une évaluation de l'incidence sur l'intérêt public. Il s'agit d'une exigence inhabituelle à laquelle, à ma connaissance, aucun autre secteur n'est tenu de se soumettre. Je dirais que, par nos stratégies de communication avec les clients, employés et communautés touchées, nous avons créé notre propre évaluation de l'incidence sur l'intérêt public. Je crois que d'autres institutions financières agiraient de la même façon dans des circonstances semblables.
Écourter le processus
- En deuxième lieu, je crois que nous devons écourter le processus. Nous devons convenir d'un délai précis pour les audiences. La décision du Gouvernement du Canada de compléter cette étape de prise de décision dans le cadre de son examen dans un maximum de cinq mois est utile, mais la suite des événements comporte actuellement des paradoxes.
- Si vous convenez qu'il faut éviter ce dédoublement, permettez au BSIF et au Bureau de la concurrence de faire leur travail en premier lieu. Un processus d'évaluation de l'incidence sur l'intérêt public écourté pourrait être ajouté à la toute fin de leur examen plutôt que d'être mené en parallèle. Le processus politique ne servirait alors que de contrôle final. Mais ce changement ne doit se faire que si le gouvernement est véritablement préparé à considérer les fusions importantes, afin que nous ne nous soumettions pas au processus simplement pour voir nos demandes refusées, non en fonction des mérites de la fusion, mais en raison d'un changement d'humeur du pays.
- Dans le même ordre d'idées, une évaluation de l'incidence sur l'intérêt du public ne peut être légitime qu'une fois que le BSIF et le Bureau de la concurrence ont pris leurs décisions. Dans le cadre d'une demande de fusion, nous serions tenues de soumettre une évaluation de l'incidence sur l'intérêt du public offrant des mesures correctives là où nous le jugerions nécessaire. Mais si le Bureau de la concurrence exigeait aussi des correctifs, ceux-ci ne nous seraient communiqués que deux étapes et quelques mois plus tard.
- Les dessaisissements des succursales, le cas échéant, sont difficiles à exécuter de façon à plaire à toutes les parties. Le Bureau de la concurrence pourrait exiger, dans le cadre de l'examen d'une fusion, que nous vendions des succursales et, par le fait même, que nous vendions nos comptes et que nous mutions nos employés. Il nous guide quant à qui nous ne pouvons pas vendre les comptes. Certains ont suggéré que, en plus de ce processus, il devrait en exister un qui nous guide quant à qui nous devrions vendre nos comptes. On n'a qu'à imaginer l'absurdité d'une situation où nous offrons de laisser une succursale ouverte dans une petite ville seulement pour nous faire dire de la vendre par le Bureau de la concurrence, et que le concurrent qui en fait l'acquisition décide de la fermer quelques mois plus tard. En réalité, il s'agit d'un processus difficile à mettre en œuvre, même en vertu des règlements existants.
- Je trouve révélateur que, à titre de condition à l'approbation de notre fusion, TD et Canada Trust aient été tenues de vendre 13 succursales, certaines situées dans de petites villes, où la concurrence ne s'est d'ailleurs pas bousculée pour les acheter. En fait, nous avions dû nous dessaisir de succursales que nous aurions été heureux de conserver et que nos clients auraient préféré continuer de fréquenter.
- Cela n'a pas été facile non plus pour les sociétés qui ont acheté nos succursales. Cette transition leur a été imposée afin de respecter la réglementation sur la concurrence. Nos clients et employés ont été furieux de faire l'objet de décisions qu'ils n'avaient pas prises. Je ne veux pas critiquer le Bureau de la concurrence, mais je trouve que cet exemple illustre bien, encore une fois, qu'il risque d'y avoir des intérêts contradictoires dans le processus d'examen à l'étude.
- Plus de 200 000 personnes travaillent dans ce secteur. Elles lisent les journaux, et en retirent qu'il plane une grande incertitude quant à leur secteur, leur entreprise et leur emploi. Les marchés financiers ont en outre la réputation de réagir promptement et de digérer difficilement de l'information incomplète. Nous devons écourter le processus dans l'intérêt des employés, des clients et des actionnaires.
Nous ne devons pas prendre une décision selon un système « premier arrivé, premier servi »
- En troisième lieu, j'aimerais mentionner que nous ne devons pas prendre une décision selon un système « premier arrivé, premier servi » qui refuse à tout autre concurrent la possibilité d'entrer dans la course. Notre secteur et le gouvernement se sont par inadvertance retrouvés dans une position où le gouvernement est responsable non seulement de la réglementation mais aussi de la structure des services financiers. Il ne s'agit pas d'une bonne proposition à long terme, car elle soumettra Ottawa à un bombardement de propositions jusqu'à ce que l'une d'elles coiffe les autres au poteau.
- Je suis d'avis qu'aucune fusion parmi les cinq grandes banques qui ferait l'objet d'un examen ne devrait être approuvée sans que les autres banques n'ait aussi le droit de présenter une demande de fusion. La même option doit être offerte à tous. Toute fusion dans une partie du secteur a des répercussions dans le reste du secteur. Tous les joueurs doivent avoir la possibilité de réagir comme bon leur semble.
Il faudrait nous indiquer dès maintenant si vous êtes véritablement prêt à considérer les fusions ou nous laisser savoir quand vous le serez
- En dernier lieu, je crois que le gouvernement devrait nous indiquer dès maintenant s'il est véritablement prêt à considérer les fusions ou nous laisser savoir quand il le sera.
- Je ne sais trop ce qui s'est passé au cours des deux derniers mois entre les autres banques et le gouvernement, mais comme bon nombre de Canadiens, je lis les journaux. À Halifax, en octobre, le ministre Manley disait que les fusions bancaires étaient légales, que toute personne souhaitant soumettre une demande de fusion avait le droit de le faire, qu'il était prêt à étudier les demandes.
- Les événements subséquents ont fait ressurgir l'ambiguïté avec laquelle nous composons depuis quatre ans. Nous ne pouvons accepter une situation où la communication de décisions importantes est laissée aux médias. Il n'est ni productif ni professionnel de communiquer ainsi les décisions qui touchent notre secteur. Nous ne pouvons non plus continuer de fonctionner dans l'incertitude qui accompagne le processus depuis un mois.
- Nous ne pouvons plus nous contenter d'un processus qui, selon le public, ne tient qu'à notre aptitude à parler à la bonne personne au bon moment.
- Nous ne pouvons accepter un processus qui permet de faire circuler des rumeurs selon lesquelles une importante société d'assurance pourrait acheter une banque. Si la rumeur est véridique, la nouvelle doit être annoncée en public afin que tous bénéficient d'un préavis considérable pour avoir une possibilité égale de livrer concurrence. Nous ne pouvons exploiter nos entreprises efficacement en tentant de nous tenir au courant des dernières rumeurs ou en lisant dans le marc de café. Tous les joueurs doivent bénéficier des mêmes informations et d'un processus transparent.
- Nous devons lever toute ambiguïté entourant l'attitude du gouvernement envers les projets de fusion bancaire dès que possible. Il nous apparaît qu'une proposition peut présentement être rejetée sur la base de préoccupations d'intérêt public avant même qu'elle ne soit formellement déposée. Les règlements ne devraient pas être amendées simplement pour permettre à une proposition d'être scrutée pendant des mois par le BSIF et le Bureau de la concurrence, pour être soit soumise par la suite au verdict du gouvernement sur la base d'une évaluation vague de l'intérêt public.
- Si le gouvernement est prêt à accepter des fusions, il doit l'affirmer maintenant, et sans équivoque. S'il s'attend à y imposer des restrictions, il devrait le faire savoir dès maintenant.
- Nous pourrons ensuite tous nous concentrer de nouveau sur l'exploitation de nos entreprises. Si et quand il sera déterminé que des fusions sont dans l'intérêt du public, nous prendrons les décisions qui s'imposent.
Merci