• Publié : 24 septembre 2025

  • Connaissances en placement    10 minutes  

    Le dollar américain perd son lustre

    Washington veut un dollar plus faible. Les investisseurs mondiaux sentent le changement.

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Depuis des décennies, le dollar américain ($ US) est la pierre angulaire de la finance mondiale, alimentant les échanges commerciaux, ancrant les réserves des banques centrales et servant de réserve de valeur par défaut pour le monde entier. Mais aujourd’hui, la dynamique commence à changer. Les États-Unis ne tolèrent simplement plus la vigueur de leur monnaie; ils se préparent activement à l’affaiblir. En raison des déficits commerciaux massifs, de l’alourdissement de la dette et des efforts déployés pour rétablir le secteur manufacturier intérieur, les États-Unis signalent une orientation délibérée vers un dollar plus faible. Il ne s’agit pas d’une note de bas de page en matière de politique macroéconomique; c’est plutôt un changement de cap structurel ayant des conséquences à l’échelle mondiale.

Pourquoi les investisseurs ne peuvent pas ignorer l’affaiblissement du dollar américain

Pour les investisseurs canadiens qui sont fortement exposés aux actifs libellés en dollars américains et dont les placements sont assortis d’une couverture moindre, cette stratégie en évolution représente un point d’inflexion crucial. La trajectoire du dollar américain influencera les rendements, les risques et les occasions sur le plan régional au cours des prochaines années. L’ignorer n’est plus une option. Cet article explique pourquoi la valeur du dollar américain pourrait baisser, quels changements de politique pourraient accélérer la tendance et, surtout, comment les investisseurs canadiens peuvent se préparer. La trajectoire du dollar américain n’est pas une affaire purement américaine; c’est une préoccupation mondiale qui a des répercussions importantes sur les portefeuilles transfrontaliers, la gestion des risques et la répartition sectorielle.

Quatre raisons pour lesquelles le dollar américain pourrait fléchir

Un dollar surévalué selon presque toutes les mesures

Le dollar américain est largement considéré comme surévalué. De nombreux modèles, de la parité des pouvoirs d’achat aux taux de change effectifs réels, suggèrent que le billet vert est de 10 % à 20 % plus cher que ce que les paramètres fondamentaux justifient. Le yen japonais et le yuan chinois sont sous-évalués de 38 % et de 21 %, respectivement¹. Le président Trump a souvent prétendu que des gouvernements étrangers manipulent leur monnaie nationale pour obtenir des avantages commerciaux injustes. Bien que cette affirmation soit politiquement sensible, les données lui donnent raison dans une certaine mesure. Les écarts entre devises peuvent persister, et le problème est que les devises, tout comme les actions, peuvent demeurer mal évaluées pendant des années. Cependant, une fois que l’orientation de la politique ou les paramètres fondamentaux du marché changent, les évaluations peuvent se rajuster rapidement.

Surévalué et surinvesti :

le dollar américain et la juste valeur

Source : Fonds monétaire international, Banque mondiale et Bloomberg Finance L.P. Les données présentent une moyenne de cinq mesures d’évaluation différentes, y compris le taux de change effectif réel et la parité des pouvoirs d’achat.

Le monde est surchargé d’actifs américains

La propriété étrangère d’actifs américains a grimpé en flèche. Les investisseurs non américains détiennent maintenant plus de 20 % des actions américaines (contre 5 % dans les années 1990), 30 % des titres du Trésor américain et 30 % des obligations de sociétés américaines. Le dollar américain domine également le financement du commerce mondial (79 %), les opérations de change (88 %) et les réserves des banques centrales (58 %)². Mais cela pourrait représenter le sommet de la domination du dollar américain. En raison de l’essor des actifs alternatifs, comme les monnaies numériques et les cryptomonnaies stables, et des changements géopolitiques vers la dédollarisation, la demande pourrait plafonner, voire diminuer. La Guiding and Establishing National Innovation for U.S. Stablecoins Act (loi GENIUS) récemment adoptée, qui réglemente les cryptomonnaies stables indexées sur des titres du Trésor américain, pourrait légèrement accroître la demande, mais ne changera pas la donne dans son ensemble.

  • Le dilemme du triple déficit aux États-Unis

    Les États-Unis sont confrontés à trois déséquilibres profondément ancrés : 

     un déficit commercial de 1 000 milliards de dollars, principalement attribuable à une forte dépendance aux importations et à la désindustrialisation 1

     une position d’actif net étranger de -26 000 milliards de dollars (80 % du PIB), ce qui fait des États-Unis le plus important débiteur au monde 2

     un déficit budgétaire fédéral de près de 2 000 milliards de dollars, les projections ne montrant aucune amélioration pour au moins la prochaine décennie 3

Ces déficits sont insoutenables. Pourtant, les banques centrales étrangères, en particulier celle de la Chine, ont continué d’acheter des titres de créance américains, de réduire les taux d’intérêt et de soutenir le dollar américain. Cette boucle pourrait se rompre lorsque les États-Unis résisteront aux politiques « mercantilistes » en matière de devises, en particulier celles utilisées par la Chine pour maintenir un yuan bon marché.

Vers un « accord de Mar-a-Lago »

Tout comme l’accord du Plaza de 1985 a coordonné la dépréciation du dollar américain pour réduire les déséquilibres commerciaux, l’administration américaine explore aujourd’hui la possibilité d’un « accord de Mar-a-Lago », une entente informelle ou un cadre de politique visant à rééquilibrer les flux commerciaux et de devises à l’échelle mondiale. Cela peut comprendre des restrictions appliquées aux flux de capitaux, une restructuration de la dette et des interventions sur le marché des changes. La Maison-Blanche a déjà réalisé des progrès en imposant des droits de douane et en négociant des accords commerciaux pour exercer des pressions sur ses partenaires étrangers afin d’obtenir un accès aux marchés et d’accroître la fabrication aux États-Unis. La deuxième phase sera davantage axée sur les outils monétaires. Les États-Unis pourraient coordonner leurs efforts avec ceux de la Réserve fédérale américaine (la Fed) pour encourager une faiblesse graduelle du dollar américain sans alarmer les marchés.

Andriy Blokhin - stock.adobe.com

Ce que cela signifie pour les investisseurs

Augmentation de la volatilité des devises

Pour les investisseurs, en particulier ceux à l’extérieur des États-Unis, une augmentation de la volatilité des opérations de change est probable. Les investisseurs canadiens, qui détiennent souvent d’importantes répartitions en actifs américains, mais qui couvrent rarement le risque de change, pourraient voir leur portefeuille subir des baisses imprévues si le dollar américain recule. Les risques de change bidirectionnels augmentent et la gestion des devises pourrait devenir plus essentielle que par le passé.

Conséquences pour les secteurs

Un dollar américain faible profite habituellement aux secteurs cycliques, soit les matériaux, les produits industriels et l’énergie. Ces secteurs ont tendance à inscrire des rendements supérieurs dans un contexte monétaire plus souple, surtout lorsque les prix des produits de base augmentent parallèlement à la croissance mondiale. En revanche, les secteurs défensifs comme les soins de santé et les biens de consommation de base pourraient être à la traîne. Historiquement, les marchés émergents affichent une forte corrélation inverse avec le dollar américain. La baisse du billet vert stimule les entrées de capitaux, les monnaies locales et les évaluations boursières dans des pays comme le Brésil, l’Inde et l’Indonésie.

Taux des titres du Trésor américain : potentiel de hausse limité

Certains craignent qu’un dollar américain plus faible fasse grimper beaucoup plus haut les taux obligataires américains, ce qui saperait les portefeuilles mondiaux. Pourtant, les épisodes de dépréciation passés du dollar américain (1971 et 1985) ont en fait entraîné une baisse des taux. Si le changement est graduel et bien géré, les conditions financières pourraient s’assouplir plutôt que de se resserrer

Ce qu’il faut faire

Revoir l’exposition aux opérations de change

La plupart des portefeuilles canadiens sont fortement axés sur les actions et les obligations américaines. Par le passé, cette stratégie a été gagnante. Toutefois, comme le dollar américain pourrait amorcer une tendance baissière pluriannuelle, cette exposition non couverte devient un risque important. Le moment est venu d’évaluer la sensibilité des portefeuilles aux opérations de change.

Comprendre les coûts de couverture

La couverture de l’exposition au dollar américain n’est pas gratuite. Le différentiel de taux d’intérêt entre le Canada et les États-Unis signifie que la couverture coûte actuellement environ 2 % par année. Cependant, si le dollar américain se déprécie plus rapidement, la couverture est avantageuse. Il est important de peser ce coût par rapport aux pertes de change potentielles.

Adopter une approche stratégique en matière de couverture 

La couverture n’a pas à être tout ou rien. Les investisseurs peuvent adopter des stratégies de couverture partielles ou dynamiques, en s’adaptant en fonction des signaux du marché, de la volatilité et des conditions macroéconomiques. Par exemple, une stratégie fondée sur des règles peut couvrir davantage lorsque le dollar canadien est sous-évalué ou lorsque la volatilité des opérations de change est élevée.

Se préparer à une nouvelle ère du dollar

Le dollar américain pourrait avoir atteint un sommet. En raison des pressions croissantes exercées par les déficits, les tensions commerciales et les politiques délibérées de la Maison-Blanche, un repli à long terme pourrait être en cours. Bien que ce changement puisse être ordonné et progressif, ses conséquences seront vastes. Les portefeuilles doivent donc évoluer. Cela signifie qu’il faut privilégier les secteurs et les régions qui profitent d’un dollar américain plus faible, revoir les stratégies de couverture de change et intégrer une prise de conscience macroéconomique mondiale aux décisions de placement. Un nouvel ordre économique mondial pourrait se former et les investisseurs qui s’y préparent tôt seront mieux placés pour prospérer.

¹ Sources : Fonds monétaire international, Banque mondiale et Bloomberg Finance L.P. Les données présentent une moyenne de cinq mesures d’évaluation différentes, y compris le taux de change effectif réel et la parité des pouvoirs d’achat.

² Sources : Trésor américain et Réserve fédérale américaine. Données au 30 juin 2025.

³ Source : Bloomberg Finance L.P. Données au 30 juin 2025.

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