Ingrid
Depuis des décennies, le dollar américain est la devise phare du monde. Mais que se passe-t-il si ce point d’ancrage commence à céder? Quelles seraient les conséquences d’un dollar américain faible pour les marchés et les investisseurs? Aujourd’hui, je suis en compagnie de l’un de mes invités préférés, Kevin Hebner, stratège aux États-Unis, pour discuter d’un article récent qu’il a rédigé et qui fait état d’une transition assez importante et persistante vers un dollar américain plus faible.
Kevin, allons-y.
Kevin
Bonjour, Ingrid!
Ingrid
Voilà une thèse intéressante. Parlons-en! On va préparer le terrain pour nos auditeurs. De quoi est-ce qu’on parle? Dans quelle mesure le dollar américain risque-t-il de glisser?
Kevin
À mon avis, c’est de l’ordre de 15 % à 20 % d’ici la fin du deuxième mandat de Trump. C’est un ordre de grandeur.
Ingrid
On va voir pourquoi.
Kevin
En fin de compte, ce que Trump fait, son principal objectif économique est de rééquilibrer l’économie américaine et de réduire une grande partie des déséquilibres, ou plutôt le déficit commercial de 1 000 milliards de dollars, ce qui est insoutenable. Les États-Unis ont délocalisé beaucoup trop de secteurs, dont bon nombre ont des répercussions sur la sécurité nationale. Je pense aux terres rares et aux minéraux critiques. Les médias en ont parlé récemment. Les semi-conducteurs, les puces.
Kevin
Il y en a énormément. Et aucun de ces rééquilibrages ou de ces réindustrialisations ne peut se produire avec le dollar à son niveau actuel. Pour ce faire, le dollar doit être beaucoup plus faible.
Ingrid
On dit souvent du dollar américain qu’il oscille à long terme dans une fourchette. Qu’est-ce qui est différent cette fois-ci et pourquoi le mouvement sera-t-il plus persistant?
Kevin
Oui, ce serait semblable aux importants réalignements du dollar en 1971 subis durant le choc Nixon, puis en 1985, sous Reagan, avec l’accord du Plaza. Dans les deux cas, la balance des paiements faisait partie de situations urgentes semblables à celles d’aujourd’hui et les devises étaient extrêmement surévaluées. Dans les deux cas, la valeur du dollar a diminué de 20 % à 30 %, un peu comme dans le cycle actuel.
Je pense que c’est très semblable aux deux cas précédents.
Ingrid
Dans votre article, vous parlez de la politique dans l’accord de Mar-a-Lago et plus précisément des quatre piliers de Catalyst. Oui, on va approfondir un peu cette question.
Kevin
Oui. Le premier argument est donc que le dollar est surévalué, et l’article souligne quelques arguments différents en matière d’évaluation. L’un d’eux, par exemple, est l’indice Big Mac, dans lequel la revue The Economist examine le coût d’un Big Mac dans 80 pays. Par exemple, le coût serait 20 % plus élevé aux États-Unis que dans la plupart des autres pays.
Il serait 40 % moins cher au Japon, 20 % moins cher en Chine et 10 % moins cher au Canada. Quelle que soit la mesure utilisée, le dollar américain est largement surévalué. Deuxièmement, il y a eu d’énormes flux de capitaux vers le dollar américain, et ce qui est étrange, c’est qu’il y a un déficit commercial et que le déficit courant ne cesse d’augmenter.
Ce que disent les manuels scolaires, c’est que la devise devrait alors s’affaiblir pour provoquer un réalignement. On revient à l’équilibre, on importe moins et on exporte plus. Mais cette fois-ci, même si le déficit commercial augmente de plus en plus, la devise se raffermit de plus en plus. Selon la Maison-Blanche, en particulier Stephen Miran, gouverneur de la Fed et président du Council of Economic Advisors, ça s’explique par les entrées de capitaux en provenance d’Asie, en particulier de la Banque populaire de Chine, qui achète des titres du Trésor et fait grimper la valeur du dollar américain tout en dévaluant sa monnaie pour subventionner ses exportations.
Ça fait partie de la politique industrielle chinoise. C’est un élément clé de l’argument. Troisièmement, le dollar américain est largement surévalué à l’échelle mondiale. Les États-Unis représentent 4 % de la population mondiale et 20 % du PIB mondial. Mais du point de vue des mesures financières, on parle d’environ 60 %. Je pense aux réserves de change, au financement du commerce mondial, etc.
Les États-Unis pèsent beaucoup plus lourd que leur poids réel. Vous avez parlé d’un point d’ancrage. Je pense que c’est beaucoup plus que ça. On est arrivé à cette position prééminente qui était peut-être logique dans un monde où les États-Unis étaient la seule puissance. Mais avec la montée de la Chine, les États-Unis doivent partager la scène, et le dollar américain va rester la principale monnaie de réserve mondiale pendant une décennie, peut-être deux.
Mais la prééminence américaine est appelée à diminuer. On ne devrait pas parler de 60 %, mais peut-être 40 %, ou quelque chose du genre.
Ingrid
Et il y a un quatrième élément, si je me souviens bien.
Kevin
Oui. Le quatrième volet de l’argument est la réponse de la Maison-Blanche, qui conclut à un problème structurel. Quand on analyse le dollar, on s’intéresse souvent aux enjeux cycliques. On se dit que la Fed va peut-être réduire les taux davantage que la Banque du Canada. À court terme, ce sont les écarts de taux d’intérêt qui influencent les devises.
Cela devrait se traduire par un dollar plus faible. Mais on est devant un problème structurel. Il va falloir trouver des solutions structurelles. De toute évidence, le marché n’y arrive pas. Et si les États-Unis adoptent le laissez-faire plutôt qu’une réelle politique industrielle, on reproduit le scénario des dernières décennies.
Les déficits ne cessent d’augmenter et le dollar continue de se raffermir. On a besoin de la solution proposée par l’accord de Mar-a-Lago. On ne se gêne pas pour emprunter à l’accord du Plaza de 1985. Ça impliquerait une intervention éthique, par exemple, pour dévaluer lourdement la devise chinoise. Ça pourrait comprendre de restreindre les flux de capitaux pour empêcher la Banque populaire d’acheter notamment autant de titres du Trésor, ce qui fait grimper le dollar. Il pourrait aussi être nécessaire de contrôler la courbe des taux.
On pourrait intervenir sur les marchés pour maintenir les taux d’intérêt relativement bas et décourager ces flux de capitaux. Il y a beaucoup d’éléments dont la Maison-Blanche parle en ce moment. L’administration met beaucoup l’accent sur l’économie réelle, l’économie des biens. Comme les tarifs douaniers visent notamment à ouvrir les marchés aux exportations américaines et à encourager les entreprises à investir aux États-Unis, l’étape suivante est vraiment axée sur l’économie financière, le dollar américain et les taux d’intérêt.
À l’heure actuelle, on est dans un scénario spéculatif. La Maison-Blanche n’a pas encore décidé de ce qu’elle va faire. On sait qu’elle va avancer à petits pas et qu’elle va donner beaucoup de conseils prospectifs. Elle est consciente des risques de volatilité importante sur les marchés. Mais c’est l’orientation que la Maison-Blanche va prendre et doit prendre, étant donné que son principal objectif économique est de rééquilibrer l’économie.
Kevin
Et c’est impossible dans les conditions actuelles du marché, vu que le dollar est tellement surévalué.
Ingrid
Les prochaines questions vont porter sur les conséquences pour les investisseurs. Vous vous trouvez aux États-Unis. Ma première question est la suivante : aux États-Unis, vous ne vous inquiétez pas du dollar américain sous l’angle des investisseurs; les obligations financières des Américains à la retraite sont en dollars américains.
Du point de vue du marché américain, à quoi peut-on s’attendre pour les secteurs? Comment tout ça va-t-il se jouer à l’intérieur du marché? Ensuite, on va se mettre dans la peau des investisseurs canadiens.
Kevin
Dans l’ensemble, un dollar américain plus faible signifie des conditions financières mondiales plus faibles, mais plus favorables, donc plus d’argent. Parce que de nombreux pays étrangers et sociétés étrangères émettent des titres de créance libellés en dollars américains, une devise forte. Par conséquent, si le dollar fléchit, il est plus facile pour eux de rembourser leur dette. Des conditions financières mondiales plus favorables profitent habituellement aux titres cycliques.
Par exemple, au cours des 40 dernières années, la relation entre le dollar américain et les marchés émergents est corrélée à 90 %. La dépréciation du dollar devrait être une bonne nouvelle pour les marchés émergents par rapport aux marchés développés. En ce qui concerne les secteurs, en général, ça profite particulièrement à des secteurs comme les matériaux et les produits industriels, qui sont très cycliques.
Souvent, ces secteurs émettent aussi beaucoup de titres de créance. Dans l’ensemble, c’est très bon pour les marchés émergents. De plus, bon nombre des pays d’Europe sont très sensibles aux cycles. Dans un marché en particulier, l’indice S&P aux États-Unis ou l’indice TSX au Canada, des secteurs comme les produits industriels et les matériaux sont fortement cycliques.
Ingrid
C’est vrai. Un gestionnaire de portefeuille aux États-Unis envisage peut-être de cette façon la pondération des actions américaines et la décision de répartir les actifs par rapport aux marchés émergents. Nombre d’investisseurs canadiens détiennent une part importante de leur portefeuille en actions, souvent en dollars américains. Mais ils se disent qu’à la retraite, leur passif va être en dollars canadiens.
Comment aborder la question?
Kevin
Oui. L’investisseur canadien exposé à des actifs en dollars américains, à des titres à revenu fixe, à des actions, etc., assume un risque de change. Au cours de la dernière décennie, il a été récompensé pour avoir pris ce risque de change, vu que le dollar américain s’est apprécié. Il a été encouragé à ne pas se couvrir, à ne pas y penser. À l’avenir,
les risques de change vont jouer bien avantage sur les deux tableaux qu’au cours de la dernière décennie. Selon toute probabilité, le dollar américain devrait s’affaiblir considérablement par rapport au dollar canadien et à d’autres devises. Les investisseurs canadiens devraient envisager une couverture s’ils ne l’ont pas déjà fait, peut-être 10 % ou 20 % de leur exposition au dollar américain, afin de s’habituer.
Quels types d’instruments utiliser, quelle stratégie envisager. Mais, chose certaine, ne prévoir aucune couverture serait mal avisé. Une couverture à 100 % sera probablement exagérée. Mais on encourage les investisseurs à y aller à petits pas, à sortir de la courbe.
Ingrid
C’est comme pour la répartition de l’actif; il faut savoir quand on est en mode accumulation. Quand devrait-on faire confiance à son portefeuille? On peut alors penser à un retour à la normale. Si je suis à quelques jours, semaines ou mois de la retraite et que je me soucie de mon portefeuille, il y a bien un coût associé à la couverture, non?
C’est un peu désolant. Mais quand on parle de 10 %, 15 % ou 20 %, ça risque d’effacer largement tout potentiel de gain sur mes actions américaines. Je pense que c’est très important pour les investisseurs d’y penser ou d’en parler à leurs conseillers.
Kevin
Absolument. Le coût actuel d’une couverture serait d’environ 160 points de base. Oui, compte tenu des taux actuels des obligations du Trésor américain à trois mois par rapport à l’équivalent au Canada. Mais, au cours de la prochaine année, on pense que la Fed va annoncer quatre ou cinq baisses de taux de 25 points de base, alors que la Banque du Canada devrait se limiter à une ou deux.
On passe de 160 à moins 100 points de base. La couverture devrait coûter moins de 1 % pour se protéger.
Ingrid
10 à 20 %...
Kevin
d’une fluctuation de 15 % à 20 % du dollar. On pense que ça tient la route.
Ingrid
De fait. En préparation de cet entretien, on a abordé brièvement le sujet de l’indépendance de la Fed. Vous avez parlé tout à l’heure de ce que la Maison-Blanche pourrait faire. Comme vous l’avez dit, la ligne devient floue dans ce contexte. Qu’est-ce que les investisseurs veulent savoir?
Que pensez-vous de cette évolution?
Kevin
Prenons un peu de recul. M. Trump revoit de fond en comble l’« approche gouvernementale » en matière de rééquilibrage; il veut que toute l’administration l’appuie et travaille en ce sens. L’étatisme au sein des entreprises est devenu une réalité aux États-Unis. L’État prend une participation dans des sociétés comme Intel et MP Materials en aérospatiale. Récemment, il s’agissait de voir comment encourager certaines des sociétés pharmaceutiques, comme Pfizer et AstraZeneca, à s’établir aux États-Unis plutôt qu’à l’étranger.
Les ingrédients pharmaceutiques actifs sont l’un des principaux goulots d’étranglement et l’une des principales vulnérabilités de notre économie. C’est vrai pour les semi-conducteurs, mais aussi pour la construction navale et une foule d’autres secteurs. Le gouvernement croit de moins en moins que les marchés sont en mesure de résoudre ces problèmes parce qu’on leur a donné carte blanche. On n’a pas vraiment de politique industrielle depuis Reagan.
Et les problèmes se sont accumulés en conséquence. Et cette opinion touche maintenant la Fed. Dans le cas de la Fed, on pense qu’il faudrait réunir un groupe de fonctionnaires non partisans qui ont une expertise particulière, par exemple, dans l’établissement des taux d’intérêt. Et leur confier ce mandat. Mais ça pose deux problèmes.
Premièrement, la mission risque de s’élargir progressivement. On ne se limite pas à fixer les taux d’intérêt, on supervise les banques, on s’occupe des lignes de crédit des banques centrales, on intervient dans les crises financières, comme dans le cas de la pandémie mondiale de COVID-19, etc. Et on pourrait certainement faire valoir que ces activités relèvent du pouvoir exécutif, de la Maison-Blanche, plutôt que d’un organisme indépendant.
Le deuxième problème que soulève cet argument, c’est que la Fed est très partisane. La Cour suprême est également censée être indépendante, mais elle ne l’est pas. Il y a trois démocrates, trois républicains modérés et trois républicains conservateurs. C’est la même chose pour la Fed. La présidente avant Jerome Powell, Janet Yellen, une brillante économiste, est d’allégeance démocrate et a été secrétaire du Trésor sous Biden.
Et il y a certainement des gouverneurs de la Fed qui sont très partisans, et c’est la même chose pour les présidents de banques régionales. Je pense à (Austan) Goolsbee à la Fed de Chicago, par exemple, et à la gouverneure Lisa Cook, une bonne économiste soumise à d’intenses pressions. L’indépendance de la Fed est attaquée de bien des façons.
La Fed compte actuellement sept gouverneurs. Trois d’entre eux sont républicains et fidèles à Donald Trump. Il y en aura un quatrième, en janvier – lorsque la Cour suprême entendra l’affaire concernant la possibilité de congédier Lisa Cook – ou en mai, lorsque la présidence de M. Powell prendra fin. Mais bientôt, la majorité des gouverneurs de la Fed aura été nommée par M. Trump.
Il faut d’ailleurs s’attendre à ce que la Fed exerce beaucoup plus d’autorité de l’intérieur. On peut parler des taux d’intérêt; c’est un dossier que l’on connaît bien. Mais c’est la question la moins intéressante.
Ingrid
OK.
Kevin
La supervision bancaire est beaucoup plus importante. Par exemple, si vous avez suivi l’affaire Jimm Kimmel récemment, on a vu les pressions exercées sur Disney. On pourrait s’attendre à ce que les superviseurs nommés par M. Trump demandent aux banques pourquoi elles prêtent à des sociétés qui ne sont pas vraiment favorables au programme de M. Trump. Ils pourraient aussi déplorer les conditions financières offertes à ses alliés.
Il y a un an ou deux, tout ça aurait semblé absurde, mais aujourd’hui, ça semble assez réaliste. C’est la même chose pour les lignes de swap, il faut craindre la partialité. La relation avec d’autres pays et la capacité d’utiliser le bilan de la Fed en cas d’urgence pourraient céder à la partisanerie.
Je pense qu’il faut se préparer à l’étatisme au sein des entreprises. Le gouvernement est beaucoup plus présent dans la vie des entreprises dans bien des secteurs.
Ingrid
La Fed en fait partie. Et le gouvernement utilise son bilan pour soutenir ces sociétés? C’est presque une forme d’investissement. Est-ce que ça améliore le bilan? J’essaie de comprendre à quoi ça peut ressembler réellement. Je vois en théorie de quoi il s’agit, mais je n’ai jamais rien vu de tel en 40 ans dans le domaine.
J’ai encore un peu de difficulté à m’y retrouver. Oui, les fonds au bilan vont servir à acheter des parts dans ces sociétés.
Kevin
Il existe divers bilans au sein du gouvernement américain. Le Trésor en a un et on s’en sert, par exemple, pour l’Argentine. Il faut savoir que la Fed a le bilan le plus important au monde. Mais, quel que soit le bilan utilisé, on va l’employer pour investir dans des sociétés comme Intel, MP Materials, et les terres rares.
Ça va s’appliquer à une foule de secteurs que l’administration Trump juge important de rapatrier, de rééquilibrer ou pour lesquels elle veut réduire les goulots d’étranglement. Il faut s’attendre à une approche pangouvernementale. Il va y avoir beaucoup plus de coopération, d’étatisme. Et la Fed va perdre une certaine indépendance et faire partie de cet effort.
Ingrid
C’est presque un outil qui sert les caprices du gouvernement.
Kevin
Oui, la politique du gouvernement.
Oui, la politique. D’accord, on va utiliser le terme « politique ». Avant de passer aux questions en rafale, j’aimerais parler des terres rares. On enregistre ce balado à la mi-octobre. Beaucoup de choses pourraient se produire avant sa diffusion.
Kevin
Oui.
Ingrid
Ces derniers jours, les rumeurs de tarifs douaniers à l’encontre de la Chine refont surface. Pouvez-vous éclairer nos auditeurs? En attendant la suite des choses, ça demeure un thème intéressant.
Kevin
Au début d’octobre, la Chine a resserré ses contrôles à l’exportation des terres rares. Par conséquent, pour acheter des terres rares ou tout produit qui en contient, il faut un permis et l’approbation de la Chine. Les Chinois disent vouloir éviter que les terres rares servent à des fins militaires ou défensives. Aussi, ils ne veulent pas qu’elles servent à fabriquer des semi-conducteurs de pointe parce que la Chine est en retard dans ces domaines.
Mais ça suscite beaucoup d’inquiétudes. Dans les années 1980, les États-Unis étaient le chef de file mondial de la production et du raffinage des terres rares. Comme dans nombre d’autres secteurs, les Américains ont cédé le pas à la Chine. À l’heure actuelle, la Chine exploite 70 % et raffine plus de 90 % des terres rares du monde. En ce qui concerne les composants des aimants, des moteurs électriques, etc., les terres rares entrent dans la fabrication de tellement de produits.
Les systèmes de surveillance des F-35, les drones, les robots et tout appareil muni d’un moteur ou d’un aimant ne peuvent se passer des terres rares. C’est un élément important de la chaîne d’approvisionnement en aval. Les États-Unis doivent rapatrier ces activités. Il n’y a actuellement qu’une seule société aux États-Unis, MP Materials (Mountain Pass), qui exploite une mine dans le désert de Mojave, à Mountain Pass, en Californie. Le raffinage s’effectue au Texas.
Le gouvernement américain a pris une participation dans la société, mais elle doit décupler sa capacité. L’entreprise peut affecter des capitaux et investir dans des immobilisations. Mais elle n’a pas nécessairement le personnel pour l’exploitation minière et le raffinage. Ça offre une occasion pour le Canada, qui a beaucoup de terres rares et de capacités.
C’est un secteur gagnant pour tout le monde. Et je pense que le gouvernement canadien doit en chercher d’autres du côté de l’administration Trump.
Ingrid
Ça fait probablement partie de la stratégie secrète visant le 51e État. Ça nous rend plus attrayants. Oui. Les questions en rafale s’en viennent. Mais, pour l’instant, je pense que nos auditeurs ont de quoi réfléchir. Le thème central repose sur la possibilité d’une dévaluation durable du dollar américain, ce qui va affecter lourdement le portefeuille des investisseurs canadiens.
Il faut donc réfléchir aux stratégies de couverture, parler à son conseiller et comprendre ce que l’absence de décision à ce sujet pourrait signifier. Sur ce, j’aimerais conclure avec les questions en rafale. Je vous soumets trois idées ou thèmes. Et, comme mon enseignant au secondaire disait : « vous devez développer ». Faut-il acheter de l’or? Je pense que son prix atteint 4 200 $ US aujourd’hui.
Jusqu’où ça va aller?
Kevin
L’or est sur une lancée incroyable, en hausse de plus de 50 % cette année. Aussi, en 2024, le principal facteur pour l’expliquer semble être les banques de réserve étrangères. En Chine, en Inde et ailleurs, y compris en Russie, elles échangent des fonds, peut-être des titres du Trésor, pour acheter de l’or, une devise qui existe depuis plus de 3 000 ans. Les gouvernements ne peuvent pas manipuler l’or ni l’intégrer à leur politique industrielle.
Il y a de nombreuses raisons de croire que, par souci de diversification, les banques centrales étrangères, les réserves et d’autres intervenants économiques vont vouloir acquérir plus l’or. Cette remontée ne date pas d’hier et risque de se poursuivre un bon moment. Il pourrait y avoir des replis; ça se produit dans tous les marchés.
Kevin
Mais on dirait bien qu’on est devant une tendance haussière à long terme.
Ingrid
Je me dis justement qu’avec un dollar américain plus faible, l’or sert souvent de protection ou de valeur refuge. On n’a pas beaucoup parlé des cryptomonnaies ou des cryptomonnaies stables. Où est-ce qu’elles s’inscrivent dans le discours?
Si on prend les monnaies fiduciaires, le dollar américain, notamment, il y a beaucoup de problèmes. Les monnaies fiduciaires non fondées sur l’or remontent seulement au choc Nixon en 1971. Ça date de 54 ans, et des fissures commencent à apparaître après cette expérience. On cherche des options à la monnaie fiduciaire.
L’or et l’argent sont intéressants, mais relèvent davantage du commerce que de l’investissement. Et les cryptomonnaies sont certainement intéressantes. L’appât du gain est très présent dans le domaine des cryptomonnaies, mais le bitcoin et d’autres cryptomonnaies suscitent certainement un intérêt. Les cryptomonnaies stables risquent de connaître une croissance phénoménale. Et l’administration Trump propose un cadre réglementaire extrêmement favorable aux cryptomonnaies.
Kevin
Les expériences vont se multiplier. Certaines choses vont fonctionner, d’autres pas, mais ce sera très intéressant au cours des prochaines années.
Ingrid
C’est difficile à évaluer, à prévoir, mais ça va être intéressant à surveiller. OK. Deuxième question en rafale : les taux vont-ils s’envoler?
Kevin
On pourrait penser que, si la dévaluation du dollar américain vise en partie à restreindre les flux de capitaux, les taux d’intérêt vont augmenter. Mais, en 1971, les taux d’intérêt ont diminué, tout comme en 1985. Et cette année, jusqu’à présent, l’histoire se répète. De plus, je pense que, lorsque l’administration Trump aura plus de contrôle sur le bilan de la Fed, la courbe des taux va être maîtrisée.
Le gouvernement adopte une politique active pour éviter une hausse de la tranche de 10 à 30 ans sur la courbe des taux. Oui. J’ai le sentiment que ça ne fera pas augmenter les taux d’intérêt, même si on peut avancer l’argument contraire. Mais les données historiques ne vont pas dans ce sens. Et je pense que l’administration Trump a de bonnes raisons d’empêcher les taux d’intérêt d’augmenter davantage.
Ingrid
OK. On a beaucoup parlé du « quoi » par rapport au dollar américain, mais je suis certain que les gens s’intéressent au « quand ». À quelle vitesse le dollar américain pourrait-il fléchir?
Kevin
Il faut tenir compte de l’aspect cyclique, qui est influencé par les taux d’intérêt à court terme. Selon toute probabilité, la Fed va davantage réduire les taux que la Banque du Canada. C’est un peu...
Ingrid
De la Réserve fédérale américaine.
Kevin
... un catalyseur cyclique sur 12 mois. Mais c’est une histoire à long terme. La surévaluation sévit depuis plus d’une décennie et ces cycles se déroulent sur de longues périodes. Ce n’est pas l’affaire d’un trimestre ou deux. Je pense que d’ici la fin du deuxième mandat de M. Trump, donc plus de trois ans, on parle de 10 ou 15 %, voire un peu plus.
Et habituellement, dans ces situations, la devise déçoit. On a une composante cyclique qui va durer peut-être un an, mais il vaut davantage envisager un horizon de trois à cinq ans.
Ingrid
Dans trois à cinq ans, le dollar américain pourrait avoir perdu 20 %. J’ai une dernière question dont on n’a pas encore parlé. Vous êtes membre du Comité de répartition des actifs de Gestion de patrimoine. Comment le Comité envisage-t-il cette évolution de la devise?
Kevin
Le Comité de répartition des actifs recommande une sous-pondération du dollar américain et cherche également des occasions pour les investisseurs. Dans le marché boursier américain, le secteur des technologies, par exemple, est exceptionnel et affiche une croissance fantastique des bénéfices, sans parler du rendement du capital investi. Certains autres secteurs aux États-Unis se négocient à des primes d’évaluation élevées par rapport à leurs équivalents au Royaume-Uni, en Europe, au Japon et en Chine, mais leurs paramètres fondamentaux ne le justifient pas vraiment.
Kevin
À mon avis, il vaut mieux miser sur la diversification et chercher au-delà des États-Unis pour trouver des champions mondiaux et des secteurs en dehors des technologies.
Ingrid
OK, on a parlé de bien des choses en 20 à 25 minutes. C’était passionnant. Cette discussion devrait donner aux conseillers et aux investisseurs matière à réflexion quant à la façon dont le dollar américain et l’exposition des portefeuilles pourraient être touchés. Je vous invite aussi à lire le récent article de Kevin Hebner. Vous pouvez le trouver sur notre site Web ou communiquer avec votre conseiller par courriel.
Merci infiniment, et excellente journée à tous.
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