• publié: 9 juin, 2025

  • Connaissances en placement    10 minutes  

    Échec et mat ou partie nulle?

    Comprendre l’évolution de l’économie mondiale

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Un changement majeur se dessine. Un nouvel ordre économique mondial qui façonne une économie radicalement différente de celle que nous avons connue récemment. Depuis des décennies, les États-Unis jouissent d’une suprématie incontestée dans les trois domaines relevant de la puissance publique : la vigueur économique, la supériorité technologique et les capacités de défense. Toutefois, l’avènement de la Chine a fait entrer le monde dans une nouvelle époque bipolaire.

En bref

    • Cet article explore l’émergence d’un nouvel ordre économique mondial, marqué par l’émergence de la Chine en tant que concurrente des États-Unis dans les domaines économique, technologique et militaire.
    • Ce changement économique se traduit par une transition d’un monde unipolaire dominé par le libre-échange vers un monde bipolaire caractérisé par les droits de douane, les politiques industrielles et la montée des tensions géopolitiques.
    • L’administration Trump a mis en oeuvre une stratégie appelée « America First » (les États-Unis d’abord), qui s’articule autour de trois axes : une hausse agressive des droits de douane, une déréglementation et une politique favorable à la technologie et à la croissance, ainsi que des efforts visant à déprécier le dollar américain surévalué.
    • Deux scénarios d’avenir pourraient se dessiner : un scénario optimiste, avec un retour à des politiques de croissance et à des accords commerciaux, et un autre pessimiste, qu’on appellerait « America alone », marqué par l’isolationnisme et la fragmentation de l’économie mondiale.
    • Pour les investisseurs, la diversification, l’accent mis sur les actifs de qualité, les technologies et les infrastructures devraient demeurer des facteurs essentiels dans un contexte macroéconomique volatil.

Que se passe-t-il?

Cette métamorphose reflète l’expansion économique, technologique et militaire de l’empire du Milieu, qui conteste ouvertement l’hégémonie de l’Oncle Sam. L’ordre mondial de l’après-guerre, longtemps défini par la domination américaine et le libre-échange, est en train de céder la place à un monde multipolaire façonné par la résurgence du nationalisme, du protectionnisme et des rivalités géopolitiques.

  • La montée de la Chine est loin d’être accidentelle. Elle est stratégique. Son plan « Made in China 2025 » et ses politiques industrielles expansionnistes – subventions, prêts dirigés par l’État et traitements fiscaux favorables – en font la superpuissance manufacturière mondiale. La part du pays dans le secteur manufacturier mondial est passée de 8 % à 32 %. À l’inverse, le secteur manufacturier américain et la part de la main-d’oeuvre dans ce secteur ont fortement reculé1.

    Ce changement économique a entraîné d’importants déséquilibres commerciaux. L’excédent commercial de la Chine, qui s’élève désormais à 1 200 milliards de dollars, a provoqué des réactions politiques négatives hostiles du côté des États-Unis, qui font face à un déficit de 1 000 milliards de dollars2. La désindustrialisation, les pertes d’emplois et la hausse des inégalités ont alimenté les mouvements populistes et le mécontentement politique. 

  • Sur le plan technologique, la Chine est en plein essor. Le pays produit 80 % des drones et 70 % des batteries du monde et domine le secteur de la construction navale. La Chine comble également les écarts dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA), ses modèles devant rivaliser avec les meilleurs systèmes américains d’ici 20263. Sur le plan militaire, la Chine et la Russie représentent maintenant 20 % des dépenses de défense mondiales4, ce qui est comparable à la part des États-Unis en parité de pouvoir d’achat.

    Ces changements ne se sont pas produits du jour au lendemain. Le point de basculement de l’ancien ordre mondial s’est probablement produit vers 2010, avec la multiplication des conflits entre États. Que ce soit en raison de la crise financière mondiale de 2008, de l’émergence de Xi Jinping en 2012, de l’élection de Donald Trump en 2016 ou de la pandémie de COVID-19 en 2020, les anciennes règles sont désormais caduques et le nouvel ordre économique, qui s’esquissait peu à peu, a commencé à s’accélérer.

1 Source : Banque mondiale, au 16 décembre 2024.
2 Source : Bloomberg Finance L.P., au 31 déc. 2024.
3 Source : Polymarket, au 31 déc. 2024. 
4 Source : Banque mondiale, au 31 déc. 2023.

Lutte pour le pouvoir 

La réponse de Donald Trump face à la montée en puissance de la Chine et aux réactions négatives envers la mondialisation a été rapide et quelque peu houleuse. Sa stratégie visant à freiner le changement d’équilibre mondial repose sur trois axes principaux :

1. Droits de douane et stratégie commerciale

  • Le président Trump a porté les droits de douane à des niveaux jamais vus depuis plus d’un siècle, mû par quatre motivations : le contrôle unilatéral, la production de revenus, la pression commerciale et la relocalisation. Bien que controversés, les droits douaniers offrent une certaine marge de manoeuvre politique sans l’approbation du Congrès et confèrent un pouvoir de négociation.

    Les secteurs essentiels que l’administration Trump tente de protéger et de développer comprennent les semi-conducteurs, les fournitures médicales, la construction navale et les minerais essentiels. Dans tous ces domaines, la dépendance des États-Unis envers la Chine est considérée comme un risque pour la sécurité nationale. L’investissement dans les semi-conducteurs, par exemple, a été multiplié par 12 depuis 2021 sous l’effet de la Chips and Science Act5. La construction navale demeure une vulnérabilité flagrante : les États-Unis ne représentent que 0,1 % de la production mondiale, contre 54 % pour la Chine6

  • Dans ce contexte, de récents décrets6 visent à accroître la capacité de construction navale, compte tenu notamment des risques élevés dans le détroit de Taïwan. Le rapatriement est déjà en cours, mais il profite principalement au capital, et non à la main-d’oeuvre. De plus, l’emploi dans le secteur manufacturier a atteint un sommet en 2000 et ne devrait pas retrouver ses niveaux historiques en raison de l’automatisation. Les investissements sont en hausse, mais les emplois se concentrent dans des postes hautement qualifiés.

    À l’heure actuelle, les négociations commerciales se poursuivent et les ententes avec des partenaires clés comme le Japon, l’Inde et la Corée du Sud semblent prometteuses. Les pourparlers avec la Chine sont quant à eux plus ardus, mais un accord restreint, axé sur l’énergie, l’agriculture et certaines barrières sans droits de douane, demeure possible. 

5 Source : Bloomberg Finance L.P., au 28 février 2025.
6 Source : Décrets de la Maison-Blanche, au 9 avril 2025.

2. Déréglementation et politique en faveur des technologies/de la croissance 

Les droits de douane pourraient dominer les manchettes, mais le coeur de la stratégie de l’administration Trump repose sur la compétitivité technologique. L’IA, la robotique et les technologies de défense sont des priorités nationales. Trois thèmes définissent cet agenda technologique : 

    • Diminution de l’importance accordée à la sécurité dans l’IA : Les assouplissements en matière de réglementation ont fait passer l’accent du risque à l’innovation.
    • Développement des infrastructures : Les investissements dans les centres de données, les semi-conducteurs et l’énergie (y compris le nucléaire) s’accélèrent.
    • Modernisation des technologies de défense : Le Pentagone se tourne vers les drones et les systèmes axés sur l’IA, en privilégiant les entreprises en démarrage aux entrepreneurs traditionnels. 
  • Pour chaque nouvelle réglementation, le président Trump vise à en supprimer dix. Ces efforts de déréglementation touchent les secteurs de l’énergie, de la finance, de la construction et des technologies, qui sont essentiels au dynamisme économique et à la résilience du pays. Si les précédentes administrations ont successivement alourdi le fardeau réglementaire, celle-ci est déterminée à l’alléger.

3. Affaiblissement du dollar américain

  • L’administration Trump estime que la surévaluation du dollar américain – estimée à 20 % au-dessus de sa moyenne de la période de 1990 à 2020 – est un important facteur de déséquilibres commerciaux et de repli industriel. Le statut de réserve mondiale du dollar américain stimule le pouvoir d’emprunt, mais fausse les échanges commerciaux tout en alimentant le déficit.

    Les économistes conviennent que le fait de décourager les banques centrales étrangères de détenir des titres du Trésor américain fragiliserait la domination du dollar. Cependant, de telles fluctuations pourraient également faire grimper la volatilité et miner le financement par le déficit. L’administration explore des stratégies unilatérales et multilatérales pour réduire la demande de dollars tout en réduisant au minimum les perturbations.

Deux scénarios possibles pourraient se produire 

Bien que l’incertitude persiste quant à l’évolution de la transition économique mondiale au cours des mois précédant les prochaines élections à la Chambre des représentants de novembre, un scénario optimiste et un autre pessimiste peuvent tout de même être envisagés.

  • Scénario optimiste : Un changement progressif de politique

    Le scénario optimiste a peut-être déjà commencé depuis que l’administration Trump (soucieuse d’éviter le sort de son premier mandat) a, dès son entrée en fonction, annoncé les droits de douane afin de se débarrasser le plus tôt possible des mauvaises nouvelles. Ainsi, l’attention devrait se porter sur son programme favorable à la croissance bien avant novembre prochain, renforçant ainsi les chances du Parti républicain de conserver la majorité à la Chambre des représentants et de garder le contrôle du Congrès.

    Après les droits de douane, la prochaine priorité serait probablement la négociation d’accords commerciaux, en commençant par des pays relativement simples, avant de passer à l’Union européenne (UE) plus difficile et, enfin, au test crucial avec la Chine. Après les négociations, les accords commerciaux pourraient favoriser la promotion des mesures favorables à la croissance que contient le programme de l’administration, y compris les réductions d’impôt, les politiques technologiques et la déréglementation. Enfin, une dépréciation contrôlée et délibérée du dollar américain pourrait être à l’ordre du jour, mais elle fait toujours l’objet de débats actifs au sein de l’administration, de sorte que le moment opportun reste à déterminer.

    Cette séquence maximise l’impact sur les marchés tout en réduisant au minimum les retombées électorales négatives. Elle reflète les leçons tirées du premier mandat de Donald Trump, lorsque les hausses des droits de douane retardées ont nui aux républicains lors des élections de mi-mandat en 2018.

  • Scénario plus pessimiste : « America alone » (les États-Unis seuls)

    – Ce scénario pessimiste est celui dans lequel « America first » devient « America Alone ». Une telle issue est plausible, d’autant plus que les États-Unis se détournent du multilatéralisme fondé sur des règles, embrassent le nationalisme populiste, utilisent les droits de douane comme arme et sapent le rôle du dollar américain à l’échelle mondiale.

    Toutefois, il ne s’agit pas là du scénario de base, car il est tout à fait contraire aux intérêts du pays. Les États-Unis ont encore besoin d’alliés, notamment pour assurer la vitalité de leur secteur technologique. S’ils s’isolent, ils n’ont aucune chance de remporter la course à l’IA, qui revêt une importance cruciale. Il faut s’ouvrir au monde, et les États-Unis doivent attirer des talents et des idées de tous les horizons. Le pays doit également s’assurer que les innovations en matière d’IA se diffusent à l’échelle du globe et définissent les nouvelles normes mondiales.

    Si ce scénario se concrétise, des blocs monétaires concurrents verront le jour, la volatilité augmentera et les chaînes d’approvisionnement mondiales s’effondreront, avec des conséquences plus graves encore que celles induites par la pandémie de COVID-19. Bien qu’il ne s’agisse pas du scénario de base, l’hypothèse d’une Amérique seule demeure plausible si les États-Unis renoncent à leurs alliances à long terme au profit d’un avantage à court terme. 

Conséquences pour les investisseurs 

  • Le scénario optimiste d’un changement progressif de politique semble être le plus probable. Les investisseurs doivent être prêts à s’adapter à un monde caractérisé par une dynamique bipolaire, une résurgence des politiques industrielles, des perturbations liées à l’IA et une possible dédollarisation.  Les mesures America First, peu importe qui occupe le bureau ovale, orientent la politique américaine vers la sécurité nationale, la résilience des chaînes

  • d’approvisionnement et des secteurs stratégiques comme les semi-conducteurs, l’énergie et la défense. Bien que les droits de douane soient importants, l’innovation technologique demeure le moteur à long terme. Les marchés pourraient profiter des baisses d’impôt et de la déréglementation au deuxième semestre de l’année, mais la volatilité restera élevée. À long terme, les investisseurs doivent tenir compte des éléments suivants :

  • Une diversification au-delà des sociétés technologiques à mégacapitalisation américaines et du dollar américain;
  • Une exposition aux infrastructures, à certains produits de base et au secteur de l’immobilier;
  • Une pondération stratégique dans le secteur des technologies, moteur de la croissance future;
  • Un accent mis sur les actions de qualité assorties de flux de trésorerie disponibles durables.

Le nouvel ordre économique mondial n’est pas seulement une histoire d’économie : il s’agit d’un changement structurel ayant de profondes répercussions sur les placements. Pour s’y retrouver, prévoyance, souplesse et perspective mondiale sont de mise.


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